Elle déchire les passions
55 % des femmes disent être peu informées sur l’épisiotomie
«Je connais une mère qui vient d’accoucher d’un bébé de 4,9 kg sans épisiotomie », assure Chantal Ducroux-Schouwey, présidente du Ciane, collectif interassociatif autour de la naissance. Comme quoi, un gros bébé n’oblige pas forcément à cette incision chirurgicale du périnée pratiquée lors de l’accouchement. Selon un sondage exclusif de YouGov* pour 20 Minutes, 55 % des Françaises ont le sentiment de ne pas être assez informées sur ce sujet. Et elles seraient 65 % à tenir compte du taux moyen d’épisiotomie d’une maternité, si elles le connaissent, pour choisir l’établissement où accoucher. Il était de 33 % en 2013, d’après le Ciane.
« On ne coupe pas pour punir la patiente. » Didier Riethmuller, gynécologue
Depuis les années 1970, cette incision du périnée, censée faciliter la sortie du bébé et prévenir l’incontinence urinaire, était monnaie courante. « Jusqu’aux années 2000, on pensait que l’épisiotomie protégeait le sphincter de l’anus », indique Didier Riethmuller, obstétricien au CHRU de Besançon, où le taux est de 1 % aujourd’hui. Or, ajoute le praticien, « les déchirures naturelles font moins mal et saignent moins : quand vous coupez, vous ne repérez pas la vascularisation, les fibres et les nerfs. » Si le regard a changé sur ce geste chirurgical, il y a des progrès à faire côté consentement. L’enquête du Ciane révèle que 85 % des épisiotomies sont pratiquées sans demande de consentement. Pire, « j’ai eu une épisiotomie malgré mon refus et sans réelle raison médicale (pas de souffrance foetale) », tempête une jeune mère. « Les praticiens ne coupent pas pour punir la patiente, s’agace Didier Riethmuller, gynécologue-obstétricien. L’accouchement, c’est la période la plus dangereuse dans la vie d’une femme. » Dans quels cas est-ce vraiment nécessaire? « Il arrive qu’on soit dans une urgence extrême pour sauver le bébé, mais c’est très rare ». Et si certains praticiens coupent pour gagner du temps, même sans détresse du bébé? « En général, on n’incise pas pour gagner une minute, insiste le médecin. On n’est pas des tire-chieurs! » Mais, si l’épisiotomie semble moins automatique, les taux varient selon les maternités. Selon l’enquête périnatale 2010 (par région et non par maternité), la Franche-Comté affichait les taux les plus bas (entre 2,7 % et 12,9 %)… Et l’Ilede-France (entre 14 et 52,4 %) caracolait en tête avec le Limousin (39,3 %). Comment expliquer ces disparités? « Parfois, c’est une opposition des soignants, mais, souvent, c’est parce qu’on accorde plus d’intérêt à d’autres aspects : la césarienne, la prise en charge du nouveau-né », reconnaît Brigitte Blondel, chercheuse à l’Inserm.
*Enquête réalisée du 2 au 5 décembre sur un panel de 1 006 Françaises de 18 ans et plus représentatives de la population française.