Un film adominable
Classé « tout public », « Gangsterdam », sous couvert d’humour ado, multiplie les gags homophobes, racistes, sexistes et faisant l’apologie du viol.
De la vulgarité mais pas de nudité. C’est ce qui a probablement permis à Gangsterdam d’échapper à l’interdiction aux moins de 12 ans par le Centre national de la cinématographie (CNC). Et pourtant, le film contient nombre de vannes sur (dans le désordre) les juifs, les Arabes, les homos, les femmes et le viol. Qu’en retiendront les ados, à qui le film, porté par Kev Adams, est destiné ? La scène la plus drôle du film, selon le producteur, Alain Attal? Celle durant laquelle quatre amis obligent leur ennemi à pratiquer une fellation sur son garde du corps en le filmant. Hilarant pour les personnages et pour les spectateurs. Mais si le mot n’est jamais prononcé, il s’agit pourtant d’un viol. « C’est une caricature du méchant, il a tué tranquillement son père dans la scène précédente, justifie le producteur. La gêne fait rire. » Pas nous. Xavier Pommereau, psychiatre spécialiste des adolescents, assure que la génération d’« enfants de l’image » sait gérer ce trash. « Les jeunes regardent des pornos entre copains à 13 ans pour rigoler, des décapitations de Daesh pour voir ce que ça fait… Ils sont beaucoup moins dupes que les générations précédentes. Et ils ont beaucoup de distance. Cependant, reconnaît-il, à force d’enchaîner le second degré, on finit par tomber ras les pâquerettes. » En pratique, le psychiatre estime que « si l’on peut rire de plein de choses, il faut toujours qu’on sache de quoi on rit. S’il y a un risque de confusion, si des personnes peuvent se sentir blessées ou attaquées, ça n’est plus drôle. » Et la confusion règne, au moins quant à l’orientation sexuelle du personnage de Durex (sic), présentée sur le ton de la rigolade : « Tu crois que c’est facile quand tu te rends compte que tu veux sucer ton pote? »
Le concept du viol « cool »
Parmi les scènes à l’humour douteux, deux autres marquent : un passage à tabac de prostituées et une scène où Durex, le copain réac, raciste, antisémite, sexiste et homophobe (bien que potentiellement homo), veut absolument violer une femme. Face au refus de son ami, il argumente : « On s’est mal compris, je te parlais d’un viol cool, pas du viol triste où ça chiale, ça crie, ça porte plainte ! » L’humour de la scène ? « Quand Durex dit que le viol est cool, c’est super drôle, parce qu’il est barré, assure Alain Attal. C’est la banalisation de la folie d’un gars qui pense que les rapports humains sont forcément extrêmes. » Le comité de classification du CNC a considéré que le film était « tout public avec avertissement », l’avertissement en question étant : « Certaines scènes peuvent heurter la sensibilité du public ». Il revient donc ensuite à l’exploitant de « prévenir les spectateurs avant l’entrée dans la salle, et non avant le film » (rien de tel n’a eu lieu à la séance à laquelle 20 Minutes a assisté…). Reste aux parents la lourde tâche d’éduquer leurs enfants à prendre du recul, vis-à-vis tant des images que des propos du film.