Décrets « mannequins », vêtements... Comment mieux lutter contre le culte de la maigreur
Un rapport alerte sur l’augmentation de la maigreur chez les ados
Des poupées émaciées aux magazines farcis de régimes, le diktat de la maigreur s’affiche partout. Un problème depuis longtemps dénoncé, mais qui fait encore bien des dégâts. Selon un rapport de Santé publique France, publié ce mardi, de plus en plus de filles sont trop maigres : on est passé de 4,3 % en 2006 à 19,6 % en 2015, chez les adolescentes de 11-14 ans… Une évolution inquiétante, mais peu étonnante. « La maigreur est omniprésente comme symbole de beauté et de réussite sociale, analyse Nathalie Godart, pédopsychiatre à l’Institut mutualiste Montsouris à Paris. Et si toute la population souffre de cette obsession, nos adolescents y sont encore plus sensibles. » Pour lutter contre l’extrême maigreur, la France a déjà pris quelques mesures : à partir du 1er octobre, toute photo modifiée dans des publicités devra afficher la mention « photo retouchée ». Pour la diététicienne Caroline Seguin, cela ne changera pas grandchose : « Il y a un message qui rétablit la vérité, mais l’image de maigreur est toujours véhiculée. Cela me fait penser aux publicités pour burgers qui recommandent de “manger cinq fruits et légumes par jour”… » Second « décret mannequin » : depuis mai, les modèles doivent obtenir un certificat médical assurant qu’elles sont en bonne santé avant de défiler. Là aussi, ça demeure insuffisant pour les spécialistes. En Espagne, plusieurs marques ont décidé de redimensionner leurs tailles en fonction des formes réelles des femmes et les magasins doivent afficher du 38 en vitrine. « Beaucoup de patients se plaignent, car ils ont du mal à s’habiller, renchérit la diététicienne. La morphologie des enfants change [filles plus grandes et plus androgynes] ,mais les industriels n’adaptent pas les vêtements. » Au-delà des devantures, la bataille se fera sur Internet. Des sites qui vantent des régimes drastiques, à ceux qui donnent des conseils dangereux, en passant par les challenges maigreur qui font vibrer les réseaux sociaux… « Censurer ne sert à rien, affirme Nathalie Godart. Mais on doit se servir des réseaux sociaux pour diffuser des messages de prévention, on en est aux balbutiements… » Plus largement, ces spécialistes prônent une meilleure éducation à l’école sur ces thématiques. « S’il y avait, dès le plus jeune âge, des cours sur la nutrition, cela aurait un impact sur le regard porté sur le corps, plaide Caroline Seguin. « Il faut qu’on puisse allier les questions de maigreur et de surpoids, et promouvoir un équilibre à la fois nutritionnel, psychique et somatique », complète Nathalie Godart.
« La morphologie des enfants change, mais les industriels ne s’adaptent pas. »
Caroline Seguin, diététicienne.