« L’intelligence artificielle pourrait tuer l’humanité »
Pour le chirurgien, l’intelligence artificielle va creuser les inégalités à l’avenir
L’intelligence artificielle va nous manger tout crus. Dans La Guerre des intelligences, paru chez JC Lattès début octobre, Laurent Alexandre, chirurgien et spécialiste des nouvelles technologies, dessine un futur où les enfants pourraient s’implanter des circuits intégrés dans le cerveau pour rester compétitifs face à la machine. Avec 20 Minutes, l’auteur effleure les grandes questions que pose ce « tsunami technologique ».
Dans La Guerre des intelligences, vous dites que l’école ne donne pas les bons outils aux enfants pour résister à l’intelligence artificielle. Quels risques existe-t-il ?
Un risque à long terme, celui d’une intelligence artificielle hostile qui tuerait l’humanité. A mes yeux, le principal problème, c’est plutôt l’augmentation des écarts sociaux. Comme l’intelligence artificielle va être quasi gratuite et va réaliser de mieux en mieux des tâches humaines, nous risquons d’être dans une société où seuls les gens très intelligents, très innovants, très doués pourront trouver du travail.
Comment l’école devrait-elle se préparer ?
En faisant le contraire de ce qu’elle fait depuis trente ans. Il faut déprofessionnaliser. Tout ce qui est technique va être balayé par l’intelligence artificielle. Un comptable n’a pas sa place en 2030. Sans parler des chauffeurs routiers, avec des camions qui sauront conduire seuls dans les vingt prochaines années.
Sur quoi faut-il miser dans le futur ?
Les humanités, l’esprit critique, tout ce qui est multidisciplinaire. L’intelligence artificielle ne sait pas analyser transversalement un sujet. Il faudrait donner aux gamins des savoir-faire transversaux. Leur apprendre à travailler en groupe. Il faudrait des Montessori à la place des ZEP. Une bonne partie des patrons de la Silicon Valley ont été formés dans des écoles Montessori.
Vous décrivez un futur qui se laisse séduire par l’eugénisme. Ne peut-on pas imaginer un autre chemin, moins catastrophiste ?
On a déjà commencé à faire de l’eugénisme négatif. Je vous rappelle qu’en France la pratique de l’IVG est très répandue dans le cas d’un dépistage d’une trisomie 21. L’eugénisme n’est pas une perspective, c’est une réalité. Il est probable qu’on entre dans un engrenage neurotechnologique. En 2030, on pourra mettre des circuits intégrés dans le cerveau des enfants d’une façon ou d’une autre, et on le fera.