20 Minutes (Marseille)

Des Carpates à la Mini-Transat

Dorel Nacou prend mercredi le départ de la Mini-Transat. Son parcours est incroyable

- Jean Saint-Marc

Il ne voulait pas finir à la mine, alors il va traverser l’Atlantique. Le skipper franco-roumain Dorel Nacou avait 20 ans lorsqu’il a vu la mer pour la première fois. A 45, il prend le départ de la seconde étape de la MiniTransa­t, mercredi, à Las Palmas (Espagne). Et ce n’est pas un « défi sportif » qui se joue là, selon sa compagne, Christel : « Il a tellement connu la survie qu’il se remet dans des conditions comparable­s. C’est ancré dans son histoire. » Son histoire, Dorel Nacou la raconte en peu de mots. Il est arrivé à Marseille à 20 ans, planqué dans le faux plafond d’un train. « Mon seul destin, là-bas, c’était de travailler à la mine, comme mon père. Même enfant, je voulais me barrer. » Dans son petit village au fin fond des Carpates, le gamin dessine des bateaux en recopiant des cartes postales. A son arrivée à Marseille, il a pris la mer « pour un très grand champ. » Pris en charge par une famille d’accueil, il devient charpentie­r de marine et commence à naviguer. C’est le figariste Jean-Paul Mouren qui « lui [a] appris à faire un noeud de chaise. » Il avait vu dans ce garçon « un coéquipier idéal, dégourdi, et fort physiqueme­nt. » Indispensa­ble, dans des équipages « parfois un peu embourgeoi­sés. »

Chasse à l’ours et tempêtes

Les régates, c’est formidable, mais Dorel Nacou veut aller plus loin. L’autre côté de l’Atlantique, ça semble pas mal. Le môme des Carpates rêvait de « partir à l’aventure. » Le charpentie­r de marine construit, un peu à l’arrache, un projet pour la Mini-Transat. « Il nous est arrivé de passer la nuit à l’atelier sur le bateau (un 6 mètres 50), et qu’il enchaîne sur sa journée de boulot », raconte sa compagne Christel. Pour elle, le plus dur est donc derrière eux. Jean-Paul Mouren confirme : « Dorel finira, même si son mat se brise en quatre morceaux. C’est un traverseur, il ira de l’autre côté, même à la nage. » L’intéressé semble effectivem­ent serein à quelques heures du grand départ : « Je me sens prêt, je me languis de partir. Je ne vais pas dire que je n’ai pas peur des tempêtes, mais quand tu pars naviguer, il faut savoir faire confiance à son bateau. » Faire confiance au bonhomme à la barre, aussi. Car il en a vu d’autres. Dans sa bio, une ligne laissait entendre qu’il avait même vu… l’ours. Et que ça s’est mal fini pour l’animal. « Il était pris dans un piège, confirme-t-il. Je n’avais pas de fusil, mais on s’y est mis à plusieurs… » Il fallait bien protéger le troupeau, « parce que moi je passais mes vacances à la bergerie, pas à la mer. » Il s’est bien rattrapé depuis.

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A son arrivée, Dorel Nacou a pris la mer « pour un très grand champ.»

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