20 Minutes (Marseille)

Ivre, il va au boulot...

Souvent valorisé, rarement vu comme un danger, l’alcool a un statut particulie­r dans le monde du travail. Pourtant, près d’un salarié français sur dix doit faire face à des difficulté­s d’addiction.

- Oihana Gabriel

«Quand on parle de drogue au travail, on pense rarement à l’alcool », regrette Laurence Cottet. L’auteure de

Non ! J’ai arrêté (Dunod) sait de quoi elle parle : avant d’être experte en addictolog­ie, elle était alcoolique. Ce qui a lui a coûté son poste de cadre chez Vinci. Son cas n’est pas isolé. D’après une étude de l’Institut de veille sanitaire de 2009, il y avait environ 8,5 % des salariés en difficulté avec l’alcool, contre 5 % avec le cannabis. Et, selon la mission interminis­térielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), qui présentait lundi addictaide.fr, portail d’informatio­n sur les addictions au travail, 18,6 % des actifs occupés ont eu un épisode d’alcoolisat­ion ponctuelle importante (au moins six verres) dans le mois, contre 17 % de la population générale.

Une pratique valorisée

Le problème, avec l’alcool, c’est qu’il est valorisé dans bien des métiers. Si Laurence Cottet était invitée à un repas avec de bonnes bouteilles à chacun de ses déplacemen­ts, beaucoup de salariés ont pris l’habitude de trinquer pour célébrer la fin de la semaine ou conclure un deal important. Outre le sentiment de conviviali­té, l’alcool peut aussi permettre de gérer le stress, comme de relâcher la pression. Toutefois, il peut « avoir un impact sur la qualité du travail, la relation avec les collègues », rappelle Kevin Chapuy, formateur à l’Associatio­n nationale de prévention en alcoologie et en addictolog­ie. Pire, entre 10 et 20 % des accidents du travail seraient liés à l’alcool, selon une étude de l’Inserm de 2003. Selon le Code du travail, aucune personne en état d’ivresse ne peut séjourner sur son lieu de travail et aucune boisson alcoolisée n’y est autorisée. A l’exception du vin, de la bière, du cidre, du poiré, de l’hydromel. Une distinctio­n entre « bons » et « mauvais » alcools surprenant­e. « Je m’alcoolisai­s au champagne avec bonne conscience », ironise Laurence Cottet. Malgré tout, « certaines entreprise­s commencent à mettre en place une sensibilis­ation sur l’alcool au travail, il faut généralise­r cette approche », souligne Laurent Karila, addictolog­ue et coauteur de

Tous addicts, et après ? (Flammarion). Kevin Chapuy insiste : « Quand on parle de l’alcool au travail, on se concentre sur l’alcoolisme, mais il faut s’adresser aux personnes avant qu’elles ne soient en difficulté. »

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 ??  ?? Boire de l’alcool sur son lieu de travail est interdit... sauf s’il s’agit de vin, de bière, de cidre, de poiré ou d’hydromel.
Boire de l’alcool sur son lieu de travail est interdit... sauf s’il s’agit de vin, de bière, de cidre, de poiré ou d’hydromel.

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