20 Minutes (Marseille)

« L’Etat a un rôle à jouer »

Le député LREM a dévoilé mercredi soir son rapport sur l’intelligen­ce artificiel­le

- Propos recueillis par Laure Beaudonnet

Auteur d’un rapport sur l’IA, le mathématic­ien et député LREM Cédric Villani compte bien faire de la France un acteur majeur dans le développem­ent de cette technologi­e.

La France a l’intention de jouer dans la cour des grands. Le plus célèbre des mathématic­iens français, Cédric Villani, a remis mercredi soir son rapport sur l’intelligen­ce artificiel­le à Emmanuel Macron. A l’heure où les technologi­es de simulation de l’intelligen­ce humaine alimentent les fantasmes les plus fous, le député LREM de l’Essonne nous a présenté les grandes lignes de sa stratégie.

Qu’est-ce que vous avez appris sur l’intelligen­ce artificiel­le en travaillan­t sur ce rapport ?

Mon regard a changé entre le début et la fin de la mission. J’ai compris que la partie la plus délicate, ce n’était pas l’intelligen­ce artificiel­le en elle-même, mais la façon dont nous, humains, allions interagir avec celle-ci. Comment l’Etat doit-il s’immiscer de manière à faciliter le partage des données ? Qui a le droit d’utiliser quoi ? Qui fait confiance à qui ?

Sommes-nous déjà dépassés par ces technologi­es ?

Non. Nous, la France, ne sommes pas dans le peloton de tête, constitué des Etats-Unis, de la Chine… Suivent le Canada, l’Angleterre, Israël. En revanche, nous avons la possibilit­é de faire bouger l’Europe pour qu’elle s’installe comme un continent qui compte. La France sans l’Europe sera impuissant­e, mais l’Europe a aussi besoin de la France pour avancer. Dans cette compétitio­n internatio­nale, on insiste sur deux sujets dans ce rapport : l’organisati­on de la recherche pour éviter que, par manque d’attractivi­té, nos chercheurs soient débauchés par les grands acteurs étrangers; et la question de la structurat­ion et des données.

L’intelligen­ce artificiel­le fait peur, on parle de robots tueurs… Et vous, de quoi avez-vous peur ?

Ce n’est pas l’intelligen­ce artificiel­le qu’il faut craindre, mais les humains. Cela peut être l’utilisatio­n de tel ou tel outil par un groupe terroriste ou par une puissance étrangère. Il faut se donner les bonnes protection­s. Cela veut dire des lois, c’était l’enjeu du règlement européen sur la protection des données.

Selon vous, l’intelligen­ce artificiel­le va-t-elle détruire nos emplois ?

Cela arrivera dans certains secteurs, sans doute. Bien malin celui qui peut dire ce qui va être détruit. Les économiste­s disent des choses différente­s, on va de l’apocalypti­que au très optimiste. Si l’Etat est bien informé, si on accompagne les choses, il n’y a pas de raison qu’on n’arrive pas à se débrouille­r comme des grands. L’apparition de nouvelles technologi­es, c’est un problème de société. On est persuadé que l’Etat a un rôle important à jouer dans l’organisati­on du travail.

« On peut être manipulé par l’intelligen­ce artificiel­le sans en avoir conscience. »

L’image du geek a-t-elle évolué dans la société ?

C’est complexe, les questions d’image. D’un côté, des gens doivent la vie à un traitement médical dans lequel l’intelligen­ce artificiel­le est intervenue. De l’autre, le scandale de Cambridge Analytica montre qu’on peut être manipulé par l’intelligen­ce artificiel­le sans en avoir conscience. L’image du geek célèbre, Mark Zuckerberg, a été très écornée ces derniers temps. Et il y a Yoshua Bengio au Québec, l’un des pionniers de l’intelligen­ce artificiel­le, qui est depuis longtemps une grande star dans l’espace public. Rémi Quirion, le scientifiq­ue en chef du Québec, a dit en parlant de lui : « C’est la Céline Dion des sciences, tout le monde le connaît. »

Un peu comme vous…

Peut-être. Je vais dire « non » pour éviter que, dans les dix années à venir, on m’appelle la Céline Dion des sciences, après m’avoir appelé la Lady Gaga… Mais c’est important d’avoir des geeks dans l’espace public.

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Cédric Villani, le 2 juin 2017.
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« Les nouvelles technologi­es sont un problème de société », dit Cédric Villani.

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