« L’Etat a un rôle à jouer »
Le député LREM a dévoilé mercredi soir son rapport sur l’intelligence artificielle
Auteur d’un rapport sur l’IA, le mathématicien et député LREM Cédric Villani compte bien faire de la France un acteur majeur dans le développement de cette technologie.
La France a l’intention de jouer dans la cour des grands. Le plus célèbre des mathématiciens français, Cédric Villani, a remis mercredi soir son rapport sur l’intelligence artificielle à Emmanuel Macron. A l’heure où les technologies de simulation de l’intelligence humaine alimentent les fantasmes les plus fous, le député LREM de l’Essonne nous a présenté les grandes lignes de sa stratégie.
Qu’est-ce que vous avez appris sur l’intelligence artificielle en travaillant sur ce rapport ?
Mon regard a changé entre le début et la fin de la mission. J’ai compris que la partie la plus délicate, ce n’était pas l’intelligence artificielle en elle-même, mais la façon dont nous, humains, allions interagir avec celle-ci. Comment l’Etat doit-il s’immiscer de manière à faciliter le partage des données ? Qui a le droit d’utiliser quoi ? Qui fait confiance à qui ?
Sommes-nous déjà dépassés par ces technologies ?
Non. Nous, la France, ne sommes pas dans le peloton de tête, constitué des Etats-Unis, de la Chine… Suivent le Canada, l’Angleterre, Israël. En revanche, nous avons la possibilité de faire bouger l’Europe pour qu’elle s’installe comme un continent qui compte. La France sans l’Europe sera impuissante, mais l’Europe a aussi besoin de la France pour avancer. Dans cette compétition internationale, on insiste sur deux sujets dans ce rapport : l’organisation de la recherche pour éviter que, par manque d’attractivité, nos chercheurs soient débauchés par les grands acteurs étrangers; et la question de la structuration et des données.
L’intelligence artificielle fait peur, on parle de robots tueurs… Et vous, de quoi avez-vous peur ?
Ce n’est pas l’intelligence artificielle qu’il faut craindre, mais les humains. Cela peut être l’utilisation de tel ou tel outil par un groupe terroriste ou par une puissance étrangère. Il faut se donner les bonnes protections. Cela veut dire des lois, c’était l’enjeu du règlement européen sur la protection des données.
Selon vous, l’intelligence artificielle va-t-elle détruire nos emplois ?
Cela arrivera dans certains secteurs, sans doute. Bien malin celui qui peut dire ce qui va être détruit. Les économistes disent des choses différentes, on va de l’apocalyptique au très optimiste. Si l’Etat est bien informé, si on accompagne les choses, il n’y a pas de raison qu’on n’arrive pas à se débrouiller comme des grands. L’apparition de nouvelles technologies, c’est un problème de société. On est persuadé que l’Etat a un rôle important à jouer dans l’organisation du travail.
« On peut être manipulé par l’intelligence artificielle sans en avoir conscience. »
L’image du geek a-t-elle évolué dans la société ?
C’est complexe, les questions d’image. D’un côté, des gens doivent la vie à un traitement médical dans lequel l’intelligence artificielle est intervenue. De l’autre, le scandale de Cambridge Analytica montre qu’on peut être manipulé par l’intelligence artificielle sans en avoir conscience. L’image du geek célèbre, Mark Zuckerberg, a été très écornée ces derniers temps. Et il y a Yoshua Bengio au Québec, l’un des pionniers de l’intelligence artificielle, qui est depuis longtemps une grande star dans l’espace public. Rémi Quirion, le scientifique en chef du Québec, a dit en parlant de lui : « C’est la Céline Dion des sciences, tout le monde le connaît. »
Un peu comme vous…
Peut-être. Je vais dire « non » pour éviter que, dans les dix années à venir, on m’appelle la Céline Dion des sciences, après m’avoir appelé la Lady Gaga… Mais c’est important d’avoir des geeks dans l’espace public.