Sorti de la prostitution, Karim n’a « plus peur de la nuit »
Société
Le hasard a voulu qu’on lui attribue un logement dans le 16e arrondissement de Paris. Heureusement, la fenêtre de Karim* donne sur la cour intérieure de l’immeuble. Pas sur le bois de Boulogne voisin qui lui rappelle inévitablement ses « années de débauche ». A 47 ans, cet homme est l’un des premiers prostitués en France à bénéficier du « dispositif de sortie » mis en place par le gouvernement. Inscrit dans la loi votée le 13 avril 2016, il permet aux personnes prostituées dont le dossier a été validé par une commission préfectorale spécifique de pouvoir bénéficier d’une aide financière (330 € pour une personne seule, 432 € pour une personne avec un enfant…), de soins, d’un titre de séjour provisoire et d’un logement social. Guirlande lumineuse au-dessus du rideau, chicha soigneusement rangée sur l’armoire normande et lit impeccable : Karim n’a pas mis longtemps à aménager les 24 m² dont il a récupéré les clés mi-mars. « Ici, je dors tranquille, souffle-t-il. Je n’ai plus peur de la nuit… » Oubliées les relations sexuelles imposées par son ancien propriétaire pour avoir le droit de s’abriter sous son toit. Oubliées aussi les « copines travesties » qui lui ont fait découvrir « le bois ». Oubliés « les clients sales, malades, violents. Ceux qui t’embarquent dans leur voiture, te font mal et te larguent n’importe où dans Paris. » Karim les a tous supportés pendant une dizaine d’années avant de saisir la main tendue par Lorraine Questiaux, dans le froid d’une nuit de janvier. Déléguée pour le Nid – un mouvement qui milite pour l’abolition de la prostitution – elle lui a expliqué, lors de l’une de ses traditionnelles maraudes, qu’il pouvait s’en sortir. « Ce soir-là, il a pris un café. Je lui ai laissé mon numéro, se souvient-elle. Et puis, il m’a rappelé deux ou trois semaines après et nous avons lancé les démarches. Désormais, j’aimerais qu’il bénéficie de l’Allocation adulte handicapé. Il souffre encore trop de son passé pour pouvoir travailler. » Karim, lui, ne se plaint pas. Il a dégoté, tout seul, un boulot d’auxiliaire de vie qui lui permet de s’acquitter des 500 € de loyer. « C’est encore un travail de nuit, déplore-t-il. Mais, je suis prêt à tout plutôt que de devoir retourner dans le bois pour pouvoir vivre. » Et le gouvernement semble l’avoir compris. La loi renforçant la lutte contre la prostitution a permis à une cinquantaine de personnes prostituées de bénéficier du dispositif de sortie. * Le prénom a été changé.
Une cinquantaine de personnes ont bénéficié du dispositif lancé il y a deux ans.