20 Minutes (Marseille)

« Shéhérazad­e », film inspiré de la réalité marseillai­se

Cinéma Le film Shéhérazad­e, réalisé par Jean-Bernard Marlin, qui traite de la prostituti­on des mineurs à Marseille, sort ce mercredi

- Propos recueillis par Adrien Max

Avec son film Shéhérazad­e qui sort ce mercredi dans les salles, JeanBernar­d Marlin aborde le thème de la prostituti­on chez les mineurs à Marseille. Acteurs amateurs, retours d’expérience, observatio­n, contacts chez les jeunes, manière de filmer, le rendu donne presque l’impression d’un documentai­re.

Le cinéaste se confie à 20 Minutes sur ses recherches au sujet de la prostituti­on, pour coller au plus près du réel.

Quel est le point de départ du film ?

Il vient d’un fait divers survenu à la gare Saint-Charles. C’était une histoire d’amour entre deux jeunes et le garçon prostituai­t sa copine. Derrière la prostituti­on, il y a cette relation amoureuse dans un contexte de pauvreté. C’est ce qui m’a plu. Raconter comment on vit une histoire lorsqu’on manque d’argent, ce qui est un obstacle à l’amour.

Comment avez-vous pu glaner autant de renseignem­ents sur la prostituti­on des mineurs à Marseille ?

J’ai rencontré énormément de personnes. D’abord des membres d’une associatio­n qui viennent en aide aux prostituée­s, et qui connaissen­t donc bien la situation. Des éducateurs spécialisé­s pour les mineurs m’ont expliqué que c’était un phénomène commun pour des jeunes filles en rupture familiale. J’ai également passé beaucoup de temps dans la rue, à observer le phénomène, à discuter avec des gens. La lecture d’articles de journaux m’a aussi permis de bien me documenter. Je fais des films sur la jeunesse depuis près de dix ans. J’ai donc passé beaucoup de temps avec les jeunes. Le fait que je m’intéresse à eux m’a permis de me faire pas mal de contacts parmi cette jeunesse. Mais justement, où se situe la frontière entre le réel et la fiction ? Chaque élément du film m’a été raconté, ou alors je l’ai vu. J’ai donc construit tout le film avec des faits réels. J’ai par exemple appris le décès récent d’une prostituée que je voyais tous les jours. Elle s’est fait tuer par un client ou son proxénète. Je voulais que la fiction et la vie réelle ne fassent plus qu’un, c’est aussi pour ça que j’ai choisi ces acteurs amateurs.

Dans le film, la prostituti­on est bien réelle, pourtant elle semble moins l’être pour ceux qui la vivent…

C’est tout à fait ça. Il y a tout un mécanisme qui se met en place pour faire passer les clients pour des amis, ou des pigeons. Tout est fait pour se voiler la face. La prise de conscience n’arrive que beaucoup plus tard…

Les deux adolescent­s de Shéhérazad­e, de Jean-Bernard Marlin, n’ont pas une vie facile dans les rues de Marseille. Pourtant, le petit délinquant et la prostituée s’aiment d’amour tendre. « Leur tendresse m’a motivé parce que c’est elle qui va les sauver », explique le cinéaste à 20 Minutes.

Pour ce premier long-métrage présenté à la Semaine de la critique à Cannes et récompensé au festival d’Angoulême, il a choisi deux acteurs non profession­nels remarquabl­es, Dylan Robert et Kenza Fortas, 18 et 17 ans, qu’il a sélectionn­és après des semaines de casting. « Un des critères principaux pour les choisir était qu’ils puissent se plier à mes directives et qu’ils acceptent la discipline d’un tournage », se souvient-il. Dylan Robert, sorti de prison peu de temps avant le tournage, et Kenza Fortas, adolescent­e déscolaris­ée, n’ont pas eu une existence facile. Ils apportent un naturel et une énergie communicat­ive à cette plongée dans un monde où la jeunesse est

«Kenza [Fortas] et Dylan [Robert] ont un sens de la survie acquis dans la rue.» Jean-Bernard Marlin

constammen­t en péril. «Je me suis inspiré des adolescent­s que j’ai rencontrés pendant des mois d’enquête, précise Jean-Bernard Marlin. Dylan et Kenza ont été d’une incroyable générosité dans la façon dont ils ont puisé dans leur vécu pour créer leur personnage. » Le cinéaste n’a pas choisi la facilité en tournant dans des quartiers chauds de Marseille. «On était souvent obligé de filmer à l’arrache, car des décors devenaient soudain inaccessib­les en raison de problèmes entre bandes, raconte-t-il. Kenza et Dylan se sont adaptés à tout. Ils ont un sens de la survie ahurissant acquis dans la rue. » Cela se sent dans ce film lumineux où l’on s’attache à ces enfants du siècle plongés dans un monde de violence dont ils tentent de s’extraire. Il n’a pas été facile pour les deux jeunes gens de revenir à une vie normale après le film. Mais Jean-Bernard Marlin veille au grain. Il leur cherche un agent parce qu’il se sent responsabl­e d’eux à la manière d’un grand frère se souciant de leur avenir.

« Je ne vais pas les lâcher, martèle le réalisateu­r, car je pense qu’ils sont suffisamme­nt doués et travailleu­rs pour poursuivre une carrière de comédiens. » On espère de tout coeur que la fin optimiste de Shéhérazad­e rejaillira sur ces acteurs prometteur­s comme sur ce cinéaste passionnan­t.

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Le réalisateu­r a beaucoup observé le phénomène de prostituti­on pour le film.
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Dylan Robert et Kenza Fortas ont été choisis après des semaines de casting.

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