A l’heure de la start-up nation et des 20 ans de la Techno Parade, la scène électronique porte de nouveaux combats
Longtemps décrié, le mouvement s’est en partie institutionnalisé et mène de nouveaux combats
« A l’origine, la techno n’était pas politique, elle l’est devenue. » Christophe Vix, Deviant Disco
« Une partie de la scène électronique veut porter des initiatives positives. » Louis Druet, coauteur de Techno et Politique
La House Nation, invitée d’honneur de la « start-up nation » : la musique électronique a fait son entrée le 21 juin dans la cour du palais de l’Elysée. Ce symbole a marqué la dernière étape de l’institutionnalisation d’une musique longtemps caricaturée. La Techno Parade fête son 20e anniversaire, samedi, et accueille pour la première fois, autre symbole de sa reconnaissance, un sound system affrété par la Sacem. La techno a-t-elle perdu ses valeurs en rentrant dans le rang ?
A l’origine, le mouvement techno, qui naît aux Etats-Unis dans les années 1980, exprime un besoin d’émancipation sociale et politique. En France, « au début, la techno n’était pas politique, elle l’est devenue, estime Christophe Vix, membre du collectif Deviant Disco. De la fin des années 1980 au début des années 2000, les relations avec les pouvoirs publics étaient compliquées. » Aujourd’hui, les organisateurs d’événements techno ont d’autres combats à mener, comme « le problème de la nouvelle circulaire qui facture les prestations des forces de l’ordre, un vrai problème financier et politique », souligne Christophe Vix, membre du collectif Deviant Disco. Deux scènes coexistent : d’un côté, la scène free animée par « un esprit de lutte encore assez fort et la création d’une communauté alternative, en marge de la société », selon Louis Druet, coauteur avec Tanguy Descamps de Techno et Politique : étude sur le renouveau d’une scène engagée (éd. L’Harmattan) ; de l’autre côté, une scène institutionnalisée. « Depuis cinq ou six ans, il y a, notamment à Paris, un renouveau de la fête, constate Louis Druet. On connaît une volonté de renouer avec ce qui se passait dans les années 1980 et 1990, avec les valeurs originelles du mouvement, où l’on peut observer les signes d’une renaissance des engagements politiques et sociaux de la scène techno. » Le collectif « écoresponsable » Organïk organise par exemple des soirées avec un arbre planté pour une place achetée, tandis que le collectif Fée Croquer récupère des denrées alimentaires pour les plus démunis lors des raves qu’il organise. «Un épiphénomène», précise Christophe Vix. « Une partie de la scène électronique, certes à la marge, veut se servir de la techno pour porter des initiatives positives. Il s’agit d’opérer à son échelle », se félicite Louis Druet. Un idéalisme concomitant d’un « réengagement citoyen » des jeunes, en lien avec «quelque chose de plus large dans la société». «Rien n’empêche un peuple de danser ! » dit le slogan de l’édition 2018 de la Techno Parade, une sentence évoquant le « Rien n’arrête un peuple qui danse» de la scène free, comme un symbole du réengagement de la scène techno dans son ensemble ? « La Techno Parade, c’est la volonté politique de porter des valeurs positives de la techno sur la sphère publique », pense Louis Druet. « Faire la fête dans la rue, ça dérange, rappelle Christophe Vix. Avec les attentats, c’est devenu un acte politique. » Même au sein de l’institution suprême, le 21 juin, Kiddy Smile a fait passer un message fort avec son tee-shirt portant l’inscription : «Fils d’immigrés, noir et pédé, avec la loi Asile-Immigration je n’existerais pas.» La techno n’a pas dit son dernier mot.