20 Minutes (Marseille)

« Dans le porno amateur, la contrainte sexuelle des femmes fait partie du deal », témoigne le journalist­e Robin d’Angelo

Porno amateur Le journalist­e Robin D’Angelo a mené une enquête en immersion

- Propos recueillis par Anissa Boumediene

Il y a les images sur lesquelles nombre d’individus fantasment, et il y a la réalité : des conditions de tournage qui respectent rarement le droit du travail ou le consenteme­nt. Dans son livre Judy, Lola, Sofia et moi (éd. Goutte d’Or) Robin D’Angelo donne à voir le milieu du porno « pro-am », un porno miprofessi­onnel mi-amateur. Le journalist­e l’a infiltré pendant dix-huit mois, en tant que cadreur ou figurant.

Pourquoi avoir voulu enquêter sur ce milieu ?

J’étais animé par une contradict­ion : je suis à la fois un consommate­ur occasionne­l de porno mainstream, où des femmes se font dominer par des hommes, tout en étant un féministe convaincu. J’ai voulu m’interroger sur ce que représenta­it cette contradict­ion. Et je voulais m’intéresser aux conditions de tournage.

Les producteur­s, souvent des profession­nels, se soucientil­s du droit du travail et du consenteme­nt des actrices ?

La notion de consenteme­nt est très particuliè­re dans le porno. La contrainte sexuelle des femmes fait partie du deal, les producteur­s ne voient pas le problème, et les filles l’intègrent en se disant qu’elles ne sont pas en position de dire non, par peur de ne plus être appelées. Quant au droit du travail, il y est inexistant. Un gros producteur m’a dit un jour : « Le contrat de droit à l’image, je ne le donne jamais à la fille, sauf si elle le demande. » Beaucoup d’actrices n’ont aucun papier relatif à leurs tournages. Et je ne parle même pas de contrat de travail ! Les producteur­s les paient en cash et disent que c’est aux filles de se déclarer en autoentrep­reneuses, mais vu ce qu’elles gagnent, elles prennent l’argent et c’est tout.

Est-ce que ce livre a changé votre rapport personnel au porno ?

Je manque de recul pour analyser ça. Mais j’en reviens à ma contradict­ion : on sait que ce n’est pas un milieu éthique, mais les ressorts des fantasmes et du plaisir sont difficiles à contrôler. Je pense en revanche qu’il y a une réflexion collective à mener. Il ne s’agit pas d’interdire le porno, ni de faire l’autruche au seul motif que son accès est théoriquem­ent interdit aux mineurs. La conséquenc­e, c’est que ces milieux deviennent des zones de non-droit. Il ne me semble pas incongru de réfléchir à un statut légal de travailleu­r et travailleu­se du sexe et de réguler les conditions de tournage.

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La contrainte sexuelle est la norme dans le porno « Pro-am ».

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