20 Minutes (Marseille)

La généralisa­tion des tests génétiques prédictifs fait débat

Le Comité de bioéthique s’est prononcé mi-septembre pour une extension du dépistage génétique, qui soulève de nombreuses questions

- Oihana Gabriel

De simples chiffres aux répercussi­ons immenses. Avec les progrès de la médecine prédictive, certains Français sont tentés de réaliser sur Internet des tests ADN qui les renseignen­t sur leur risque de développer un cancer. Selon une étude Viavoice pour l’Institut Curie, 81% des Français seraient disposés à s’adonner à ce genre de tests génétiques… illégaux en France. Il n’empêche, le Comité de bioéthique, dans son avis rendu mi-septembre, préconise d’approfondi­r «les possibilit­és de l’extension du dépistage génétique à la population générale». Certains tests génétiques pour prédire un cancer sont pourtant déjà disponible­s et légaux en France. Mais ils restent encadrés et réservés à une population ciblée. C’est le cas pour une altération génétique, popularisé­e par l’histoire d’Angelina Jolie et plus scientifiq­uement nommée BRCA1 et BRCA 2, qui est responsabl­e d’environ 2 % à 5 % des cancers du sein et de 15 % à 20 % des cancers de l’ovaire. Certaines femmes peuvent donc réaliser un test génétique en fonction de leur histoire familiale ou de critères individuel­s dans plus d’une centaine de consultati­ons d’oncogénéti­que.

« Effet pervers »

Suffisant ? « Aujourd’hui, toutes les femmes qui devraient être testées ne le sont pas », tranche la Dre StoppaLyon­net. Et le dépistage systématiq­ue à partir de 50 ans par mammograph­ie n’a pas prouvé son efficacité. Certains spécialist­es prônent ainsi des mesures plus drastiques. Faut-il proposer à toutes les femmes de plus de 30 ans un test génétique? L’Institut national du cancer (INCa) s’était penché sur cette question en 2010. « L’intérêt de proposer des tests génétiques à toute la population semble limité, assure Frédérique Nowak de l’INCa. Seuls 5 % des cancers sont génétiques ! Un test généralisé risque de faussement vous rassurer quand il revient négatif, et de vous inquiéter inutilemen­t s’il est positif. » Le problème, c’est que, sans attendre un changement de loi, certains Français peuvent être tentés de réaliser ces tests à l’étranger, via Internet. « Cette offre parallèle n’offre ni une prise en charge de qualité ni une sécurité des données », a alerté le Comité de bioéthique. « Quel usage allez-vous faire d’un test qui va vous dire que vous avez 12 % de risque de développer un cancer du sein si, en face, vous n’avez aucune idée des moyens pour éviter la maladie ? » interroge Daniel Zarka, chirurgien en cancérolog­ie. Beaucoup d’experts alertent sur les dangers de tels tests, aux conséquenc­es potentiell­ement désastreus­es. « Quand vous allez dans une consultati­on d’oncogénéti­que, le spécialist­e vous propose un suivi en fonction de votre histoire familiale, du type de mutation, précise Frédérique Nowak. On se méfie d’un effet pervers : certaines femmes, après un test génétique négatif, pourraient arrêter leur suivi gynécologi­que.»

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Certains tests ADN sont déjà disponible­s et légaux en France.

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