Un procès hautement sensible
Le tribunal correctionnel de Gap examinera ce jeudi le cas de sept militants suspectés d’avoir permis l’entrée de migrants
L’affaire avait mobilisé bien au-delà des frontières du petit département des Hautes-Alpes. Sept personnes comparaissent ce jeudi devant le tribunal correctionnel de Gap. Surnommés « les 3+4 de Briançon », les prévenus sont accusés d’avoir permis l’entrée de migrants fin avril à la frontière franco-italienne.
› Quels sont les faits ? Le 22 avril, près de 150 militants antifascistes avaient franchi la frontière francoitalienne par les pistes de ski du col de Montgenèvre, avec une vingtaine de migrants africains. Après de brefs heurts avec les forces de l’ordre, le rassemblement avait rejoint Briançon sous escorte. Pour le collectif Tous Migrants, cette manifestation « pacifique » répondait « spontanément » aux « provocations haineuses et dangereuses d’un groupuscule suprémaciste, ayant bloqué depuis la veille le col de l’Echelle ».
› Qui sont les prévenus ? Parmi eux figurent Eleonara Laterza, une Italienne, et deux Suisses, Théo Buckmaster et Bastien Stauffer, âgés de 23 à 27 ans. Surnommés « les 3 de Briançon », ils avaient été les seuls poursuivis dans un premier temps et incarcérés pendant dix jours aux Baumettes. Le 31 mai, le tribunal correctionnel de Gap avait levé leur placement sous contrôle judiciaire. Quatre autres personnes ont été ensuite placées en garde à vue en juillet et sont appelées à comparaître également, une femme et trois hommes âgés de 22 à 51 ans, « connus pour être des militants dans les Hautes-Alpes », explique à 20 Minutes Me Yassine Djermoune, avocat de Théo Buckmaster. › Que leur reproche la justice ? Les sept prévenus sont poursuivis pour « aide directe ou indirecte en bande organisée à l’entrée irrégulière d’étrangers sur le territoire national » et encourent des peines de dix ans de prison et de 750000€ d’amende. Un premier procès devait se tenir en mai, mais il avait été renvoyé après trois heures de débats politiques intenses sur la question de l’aide aux migrants. En juillet, le conseil constitutionnel avait finalement souligné qu’au nom du « principe de fraternité », une aide désintéressée au « séjour » irrégulier ne saurait être passible de poursuites. › Que compte plaider la défense ? « Nous allons bien entendu plaider la relaxe, indique à 20 Minutes un autre des avocats, Me Henri Leclerc. L’infraction d’aide à l’entrée irrégulière n’est pas constituée. » « Comment les policiers ont-ils pu déduire que les personnes avec mon client étaient en situation irrégulière ?, s’interroge Me Yassine Djermoune. Il n’y a pas d’indice apparent, si ce n’est leur couleur de peau… Et c’est cela qui a conduit aux interpellations. (...) Mon client a envie de dénoncer devant le tribunal la façon dont la politique migratoire est conduite aujourd’hui. »