20 Minutes (Marseille)

Moins nombreux, plus violents

Au fil des semaines, le mouvement semble s’être radicalisé

- Thibaut Chevillard

Des manifestan­ts qui entrent de force dans un ministère, d’autres qui attaquent une caserne de gendarmeri­e. Des forces de l’ordre et des journalist­es violemment pris à partie. Une nouvelle fois, la mobilisati­on des «gilets jaunes», samedi, a été émaillée

« Si la contestati­on était massive, elle n’aurait pas besoin de cette violence.

» Rémi Bourguigno­n, maître de conférence­s à l’IAE

de nombreux incidents. Alors qu’ils sont de moins en moins à se réunir chaque jour pour bloquer les routes et ronds-points du pays (2000 selon les autorités), une partie des protestata­ires semble aller de plus en plus loin dans la violence.

Selon Rémi Bourguigno­n, maître de conférence­s à l’Institut d’administra­tion des entreprise­s (IAE) de Paris, « la radicalisa­tion que l’on observe est le reflet de l’essoufflem­ent du mouvement ». Le 17 novembre, selon la Place Beauvau, 287 710 personnes avaient revêtu un gilet jaune. Huit semaines plus tard, elles n’étaient plus que 50 000. « Si la contestati­on était très massive et majoritair­e, elle n’aurait pas besoin de cette violence, estime Rémi Bourguigno­n. Les gens sont fatigués, l’enthousias­me du début a disparu, il y a eu les fêtes. En outre, Emmanuel Macron a lâché beaucoup sur les revendicat­ions des “gilets jaunes”. Certains pensent donc être allés au bout du mouvement et se sont retirés.» Conséquenc­es : les éléments radicaux, présents depuis le départ, sont de plus en plus nombreux, et leurs actions de plus en plus visibles. Certains n’ont d’ailleurs jamais caché leur souhait de renverser le pouvoir en place. Eric Drouet, l’une des figures du mouvement, avait lui-même appelé

les manifestan­ts, dans une vidéo, à «rentrer» dans l’Elysée. Le sociologue Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS, regrette pour sa part que les médias donnent autant d’importance à «des incidents sporadique­s », décontextu­alisés, que « la plupart des gens condamnent, y compris les “gilets jaunes” ». De fait, « pendant ce tempslà, on ne parle pas du fond : Pourquoi les gens manifesten­t-ils? Qu’ont-ils à dire? “Le fait divers fait diversion”, disait Pierre Bourdieu.» Aux yeux de Laurent Mucchielli, il s’agit avant tout d’une « stratégie de communicat­ion du gouverneme­nt et d’une partie des médias qui cherchent à délégitime­r le mouvement». Ce qui est contre-productif, car « cela alimente la colère des manifestan­ts ».

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« Gilets jaunes » et forces de l’ordre se sont affrontés samedi (ici à Paris).

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