Moins nombreux, plus violents
Au fil des semaines, le mouvement semble s’être radicalisé
Des manifestants qui entrent de force dans un ministère, d’autres qui attaquent une caserne de gendarmerie. Des forces de l’ordre et des journalistes violemment pris à partie. Une nouvelle fois, la mobilisation des «gilets jaunes», samedi, a été émaillée
« Si la contestation était massive, elle n’aurait pas besoin de cette violence.
» Rémi Bourguignon, maître de conférences à l’IAE
de nombreux incidents. Alors qu’ils sont de moins en moins à se réunir chaque jour pour bloquer les routes et ronds-points du pays (2000 selon les autorités), une partie des protestataires semble aller de plus en plus loin dans la violence.
Selon Rémi Bourguignon, maître de conférences à l’Institut d’administration des entreprises (IAE) de Paris, « la radicalisation que l’on observe est le reflet de l’essoufflement du mouvement ». Le 17 novembre, selon la Place Beauvau, 287 710 personnes avaient revêtu un gilet jaune. Huit semaines plus tard, elles n’étaient plus que 50 000. « Si la contestation était très massive et majoritaire, elle n’aurait pas besoin de cette violence, estime Rémi Bourguignon. Les gens sont fatigués, l’enthousiasme du début a disparu, il y a eu les fêtes. En outre, Emmanuel Macron a lâché beaucoup sur les revendications des “gilets jaunes”. Certains pensent donc être allés au bout du mouvement et se sont retirés.» Conséquences : les éléments radicaux, présents depuis le départ, sont de plus en plus nombreux, et leurs actions de plus en plus visibles. Certains n’ont d’ailleurs jamais caché leur souhait de renverser le pouvoir en place. Eric Drouet, l’une des figures du mouvement, avait lui-même appelé
les manifestants, dans une vidéo, à «rentrer» dans l’Elysée. Le sociologue Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS, regrette pour sa part que les médias donnent autant d’importance à «des incidents sporadiques », décontextualisés, que « la plupart des gens condamnent, y compris les “gilets jaunes” ». De fait, « pendant ce tempslà, on ne parle pas du fond : Pourquoi les gens manifestent-ils? Qu’ont-ils à dire? “Le fait divers fait diversion”, disait Pierre Bourdieu.» Aux yeux de Laurent Mucchielli, il s’agit avant tout d’une « stratégie de communication du gouvernement et d’une partie des médias qui cherchent à délégitimer le mouvement». Ce qui est contre-productif, car « cela alimente la colère des manifestants ».