Les interdictions de stade, un modèle à suivre?
Le Premier ministre veut s’appuyer sur les interdictions de stade pour sa loi anti-casseurs
Pour combattre les violences lors des manifestations des « gilets jaunes », le Premier ministre, Edouard Philippe, a évoqué, lundi, une possible loi qui permettrait aux autorités de ficher les fauteurs de troubles et de leur interdire de manifester, en se basant sur ce qui se fait déjà en matière de lutte contre les supporters violents dans le foot. « Ça fait plusieurs années que les dispositifs expérimentés dans les stades intéressent les syndicats de police et certains parlementaires, qui voudraient les appliquer aux manifestations », explique le sociologue Nicolas Hourcade, spécialiste des questions liées au supportérisme. Au centre du débat, les interdictions administratives de stade (IAS), sur lesquelles Edouard Philippe prendrait exemple. Les IAS sont prononcées par le préfet et produites sur la seule foi d’informations policières. Dans les faits, c’est une mesure plus facile à prononcer que les interdictions judiciaires de stade, même si elle est moins « satisfaisante au regard des droits de la défense », selon un rapport sénatorial de 2007. Introduites en 2006, les IAS ont peu à peu été détournées de leur fonction initiale, pour déborder sur des sujets éloignés de la lutte contre les violences dans les stades. « A une époque, les IAS ont beaucoup servi, par exemple, à sanctionner des supporters de Paris qui critiquaient la hausse du prix des places au Parc des Princes ou la politique du PSG vis-à-vis des supporters », indique Nicolas Hourcade. Un rapport sénatorial de 2016 révélait que deux tiers des IAS attaquées en justice avaient finalement été annulées par un juge. « Ce n’est pas simplement une interdiction de stade, on parle là d’empêcher quelqu’un d’avoir une vie sociale pendant la durée des matchs [puisqu’il doit y avoir pointage au commissariat] », ajoute l’avocat Pierre Barthélemy. C’est le cas de Simon, supporter de Toulouse, interdit de stade en 2011 après un contrôle d’alcoolémie positif réalisé aux abords du Parc des Princes : « En 2014, j’ai réussi un concours de la fonction publique, sauf qu’avec ma garde à vue au Parc et l’IAS on m’a répondu que je ne pouvais pas prétendre à ce boulot. Ça a duré près de trois ans pour que le juge me donne raison… »
« Ces mesures peuvent donner lieu à des abus, puisque les textes ont été flous dans le cadre des stades, conclut Nicolas Hourcade. Dans le cas des manifestations, on peut imaginer que les débats parlementaires seront plus intenses. On arrive sur des sujets qui intéressent plus la population. »
« On parle là d’empêcher quelqu’un d’avoir une vie sociale. »
L’avocat Pierre Barthélemy