La banque suisse UBS condamnée à une amende record de plusieurs milliards d’euros
La banque suisse UBS a été condamnée à 3,7 milliards d’euros d’amende. Un tournant dans la lutte contre la fraude fiscale
Les protestations des avocats d’UBS, qui affirmaient qu’il n’y avait « pas la trace d’une seule opération » frauduleuse, n’y auront rien changé. La banque suisse a été condamnée ce mercredi à 3,7 milliards d’euros d’amende pour « démarchage bancaire illégal » et « blanchiment aggravé de fraude fiscale ». C’est exactement ce qu’avait requis le parquet national financier (PNF). Même si cette condamnation est contestée en appel, c’est la plus lourde peine infligée par la justice française dans une affaire d’évasion fiscale.
«C’est une nouvelle absolument incroyable, déclare à 20 Minutes Stéphanie Gibaud, l’une des lanceuses d’alerte qui a contribué à faire émerger l’affaire UBS. La France commence à se mettre au niveau des Etats-Unis, qui ont l’habitude des amendes records. C’est un vrai signal envoyé au monde de la finance.» «Ce jugement a pris en compte l’évolution des esprits et des standards internationaux dans le domaine de la fraude fiscale », a expliqué de son côté Michel Sapin, ancien ministre des Finances, à l’AFP.
Protéger les lanceurs d’alerte
Une affaire de l’ampleur d’UBS serait-elle impossible aujourd’hui? « Quand vous regardez dans le détail, les enquêteurs ont estimé que la fraude de la banque suisse portait sur 10 milliards d’euros. Donc, même avec cette lourde amende (3,7 milliards d’euros), on pourrait se dire qu’UBS a bien fait de frauder », relève, un brin provocateur, Raphaël Pradeau, porte-parole de l’association Attac. Qui poursuit : « Si l’amende est inférieure à la fraude, qu’est-ce qui va inciter les banques à ne pas recommencer ? » Les différents scandales qui ont éclaté après UBS – Panama Papers, LuxLeaks, CumEx Files – ont prouvé que les fraudeurs savaient toujours faire preuve d’ingéniosité. En plus de sanctionner les comportements délictueux, la lutte contre l’évasion fiscale suppose aussi de bien protéger les sources d’information, et notamment les lanceurs d’alerte. En France, une loi de 2016 est censée les préserver d’éventuelles pressions. Mais Stéphanie Gibaud n’a pas pu en bénéficier : « J’ai été complètement abandonnée, indique celle qui a connu de longues années de galère après ses révélations. L’État me traite moins bien que les fraudeurs. » La lutte contre l’évasion fiscale est donc loin d’être parfaite. «Grâce à la pression des citoyens, les gouvernements se sentent maintenant obligés de lutter contre la fraude fiscale », se réjouit Raphaël Pradeau. Avant de nuancer : « Cette lutte n’est parfois qu’une façade. Par exemple, la mise en place de la taxe visant les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) ne résout pas le transfert des profits de ces entreprises dans les paradis fiscaux. » En France, la fraude fiscale coûterait entre 20 milliards et 100 milliards d’euros par an.