Faites entrer l’Elysée
Dans son rapport sur l’affaire Benalla, la commission des lois du Sénat accable la présidence de la République et certains de ses collaborateurs.
Tout ça aurait dû être réglé le 2 mai 2018. La commission des lois du Sénat a estimé, mercredi, qu’il n’y «aurait pas eu “d’affaire Alexandre Benalla’’ si une sanction appropriée avait été prise [à son encontre par l’Elysée]» dès le lendemain des faits de violences survenus sur la place de la Contrescarpe, à Paris. Six mois après le début de son travail d’enquête et après avoir entendu une quarantaine de personnes, la commission des lois a accablé, dans ses conclusions, la présidence de la République autant que son ancien chargé de mission. «Si ces agissements sont ceux d’un homme, ils ont été rendus possibles par un système», a déclaré Muriel Jourda, sénatrice (LR) du Morbihan et corapporteure de cette commission. Illustration de la charge portée vis -à-vis de l’exécutif : la commission des lois a demandé que la justice soit saisie pour des faits de « faux témoignage » concernant Alexandre Benalla et de Vincent Crase, les deux mis en cause placés en détention provisoire depuis mardi, mais aussi des collaborateurs de l’Élysée, soupçonnés d’un « certain nombre d’omissions, d’incohérences et de contradictions » lors de leurs auditions devant les sénateurs. Sont visés le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, le chef de cabinet, Patrick Strzoda, et le chef du groupe de sécurité de la présidence, le général Lionel Lavergne. « Parce qu’il n’y a pas une affaire Benalla, a précisé Philippe Bas, le président (LR) de la commission. Il y a les affaires de la Contrescarpe, du permis de port d’arme, du contrat russe, des passeports diplomatiques et d’immixtion dans l’exercice d’une fonction publique… » Selon la commission, Alexandre Benalla aurait dû être véritablement sanctionné. «On ne sait toujours pas si cette sanction a eu un impact financier pour lui», a-t-elle déploré. Et surtout, il aurait fallu mieux respecter «les règles déontologiques sur les conflits d’intérêts», visant les soupçons de corruption en lien avec un contrat russe. «Des pouvoirs excessifs ont été laissés à ce collaborateur inexpérimenté du président», ont également reproché les auteurs du rapport. La commission des lois a indiqué qu’elle allait envoyer une copie de son rapport à la présidence de la République, aux services du Premier ministre mais aussi, chose plus rare, au procureur de la République de Paris. Porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux a d’ores et déjà dénoncé «beaucoup de contre-vérités» sur lesquelles l’Elysée aura l’occasion d’apporter « des réponses factuelles». De son côté, le parquet de Paris a indiqué qu’il avait ouvert une enquête pour «entrave à la manifestation de la vérité». Le but? Découvrir si des personnes ont tenté de dissimuler des preuves dans les trois procédures ouvertes depuis les révélations du Monde, il y a sept mois.
Le parquet de Paris a ouvert une nouvelle enquête.