Imbroglio entre Paris et Rome autour de Léonard de Vinci
L’historien Jacques Franck ne comprend pas que la France et l’Italie se déchirent sur le cas Vinci
« Léonard est Italien, il est seulement mort en France. (…) Les Français ne peuvent pas tout avoir.» C’est ce qu’avait déclaré en novembre dernier Lucia Borgonzoni, sous-secrétaire d’Etat à la Culture en Italie, alors que son pays revenait sur sa décision de prêter ses tableaux de Léonard de Vinci au Louvre. L’Italie s’y était engagée en 2017, en vue d’une exposition célébrant le 500e anniversaire de la mort du peintre. Mais le nouveau gouvernement élu en 2018 avait fait marche arrière, estimant que l’Italie serait lésée par cet accord. Alors que Franck Riester s’est rendu jeudi en Italie pour apaiser la situation, nous faisons appel à l’éclairage de Jacques Franck, spécialiste de Léonard de Vinci.
Peut-on vraiment dire que Léonard de Vinci était Italien ?
Non, on ne peut pas dire ça, parce que la notion d’Italie unifiée ne s’applique pas à l’époque. Ce n’est pas exact d’un point de vue historique. On peut dire que Léonard de Vinci est Florentin : il est né à Florence, puis s’est expatrié à Milan pendant plus de vingt ans.
Ce genre de désaccord entre les pays sur un artiste est-il courant ?
Pas que je sache. La dernière exposition aussi importante avec des oeuvres italiennes a eu lieu en 1935 au Petit Palais. On y trouvait des oeuvres très importantes, notamment La Naissance de Vénus de Sandro Botticelli. Les échanges entre l’Italie et la France ont toujours été excellents, et je n’ai pas le souvenir d’un tel conflit. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi la France et l’Italie ne se sont pas entendues pour faire une exposition commune et itinérante.
Si le Louvre finit par ne pas obtenir ces tableaux, cela pourrait-il compromettre l’exposition ?
Cela dépend des oeuvres prêtées. Le Portrait de musicien, par exemple, pour moi ce n’est pas une oeuvre majeure. Et puis il y aura tous les tableaux de Léonard de Vinci que le Louvre a déjà : ce sont des tableaux absolument majeurs. Mais ça reste très gênant, surtout pour les deadlines. Cela signifie imprimer de nouveaux catalogues, peut-être organiser un nouveau parcours dans l’exposition, organiser une nouvelle scénographie…