« Une dernière chance »
Alors que le gouvernement prépare une réforme de la justice des mineurs, « 20 Minutes » s’est rendu dans un centre éducatif fermé (CEF). Ce type de structure, considéré comme une option avant la prison, est appelé à se développer.
« Quand j’ai dit à mes copains que j’étais en centre éducatif fermé (CEF), ils étaient surpris, raconte Léo*. Ils m’ont demandé si je dormais dans une cellule. Je leur ai dit qu’on avait droit à des chambres. » Si l’ado fait la différence entre le CEF et la prison, c’est qu’il a déjà passé deux semaines en détention. En attente de son jugement, il a été placé dans ce centre d’Epinay-surSeine (Seine-Saint-Denis). Quatorze autres mineurs âgés de 13 à 16 ans y résident aussi.
Une « dernière chance »
Sous l’impulsion de la ministre de la Justice, 20 nouveaux CEF devraient voir le jour dès 2021 en France. Présentées par l’autorité judiciaire comme une alternative à la détention, ces infrastructures sont, pour la plupart des jeunes placés, une « dernière chance » avant l’incarcération. « Globalement, les jeunes qui atterrissent ici sont abîmés, lance Yasmine Boutkhili, la directrice de l’établissement d’Epinaysur-Seine. Quarante pour cent ont un dossier MDPH [maison départementale des personnes handicapées] pour des troubles du comportement, de la concentration ou de gestion de la colère. Et 96 % d’entre eux ont aussi un parcours auprès de l’aide sociale à l’enfance [ASE]. Ça n’excuse pas les faits qui leur sont reprochés, mais, avoir tout le contexte, ça nous permet de mieux prendre en charge. »
Si les mineurs différencient la prison du centre éducatif fermé, il s’agit bien d’un lieu de privation de liberté. Dans les chambres individuelles que nous montre Léo, les fenêtres ne s’ouvrent pas entièrement et toutes sont grillagées. Les téléphones portables, le tabac et les stupéfiants sont strictement interdits, l’accès à un ordinateur limité aux activités qui en nécessitent l’utilisation et toute sortie doit être demandée par écrit avant d’être étudiée chaque semaine par le CEF. « Pour moi, le plus dur, au début, c’était de devoir rester ici tous les week-ends », glisse pudiquement Léo. « Même si leur structure familiale est défaillante, la séparation avec leurs proches reste difficile. Ils ont brûlé beaucoup d’étapes dans leur vie, mais ce sont toujours des enfants », analyse Marie-Line Jamard, responsable d’unité éducative d’activité de jour au CEF. La fugue fait partie du quotidien, reconnaît la directrice. Gabriel* s’est fait la belle pendant dix jours : « Il y a deux côtés dans le CEF. Un côté où tu peux décider de t’en foutre et tu vas fuguer. Et un autre côté où tu peux suivre les activités, t’insérer. Ça peut mal ou bien se passer, mais ça demande des efforts », philosophe-t-il.
Aux horaires stricts à respecter s’ajoute aussi l’intégration au groupe. Quelques minutes avant notre entretien, la tension est montée d’un cran entre Gabriel et un autre garçon. « Le centre, c’est une lessiveuse émotionnelle, souligne la directrice. Nous ne sommes pas là pour réparer toute une vie, mais pour prendre soin d’eux pendant un temps limité. » Hélène Sergent
* Les prénoms ont été changés.