20 Minutes (Marseille)

Les règlements de comptes «tombent dans la banalité»

Les règlements de comptes, qui pourraient avoir fait une nouvelle victime samedi à Marseille, passent un peu plus sous silence

- Adrien Max

Trois impacts de tirs de kalachniko­v, dont une balle en pleine tête. Un jeune homme de 22 ans a été tué samedi soir, dans le quartier du Merlan (14e arrondisse­ment de Marseille), alors qu’il sortait d’un restaurant. «La piste du règlement de comptes est privilégié­e », a déclaré le procureur de la République de Marseille, Xavier Tarabeux. Si cette piste se confirmait, il s’agirait du premier règlement de comptes de l’année dans les Bouches-du-Rhône.

Si, au début des années 2010, Marseille était montrée comme la capitale de la violence et de la kalachniko­v, la cité phocéenne n’est plus le « modèle à ne pas suivre ». Dix personnes sont mortes à la suite de règlements de comptes en 2019 dans les Bouches-du-Rhône, un bilan parmi les plus faibles de la décennie. « On entend dans la presse : “C’est moins mauvais cette année.” Mais c’est un décompte macabre, regrette Hassen Hammou, fondateur du collectif Trop jeune pour mourir. Un, c’est déjà de trop. On ne peut plus laisser les quartiers populaires de cette ville dans cette situation. »

« Plus personne n’en parle »

Le responsabl­e associatif a interpellé Laurent Nunez, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’intérieur, et ancien préfet de police des Bouches-duRhône : « Nous avons pu échanger par SMS et une réunion est prévue. Mais j’ai demandé à ce que d’autres ministères soient présents, parce que la problémati­que des règlements de comptes n’est pas qu’une question sécuritair­e. » Hassen Hamou espère aussi profiter des élections municipale­s pour pousser les candidats à prendre position sur cette problémati­que. Une question délaissée par la municipali­té en place. Jean-Claude Gaudin a bien sollicité l’aide de l’Etat lors d’un règlement de comptes en juin 2018, mais il a fallu que ce soit sous les fenêtres de sa mairie sur le Vieux-Port. Quelques jours plus tôt, il n’avait pas eu un seul mot pour la famille d’Engin Gunes, victime collatéral­e d’un pareil crime à l’Estaque, alors qu’il jouait aux cartes. «Ces morts tombent dans la banalité, plus personnes n’en parle, reprend Hassen Hammou. Mais, même en pleine campagne municipale, aucun candidat ne prend la parole sur ce sujet. C’est comme si même la classe politique n’avait pas pris conscience de ce qui se passe dans ces quartiers, alors que c’est un vrai enjeu du territoire.» Pour le sociologue Laurent Mucchielli, « les règlements de comptes ne sont plus à la mode. On parle d’autre chose, comme la menace terroriste, par exemple. Une sorte de fatalisme s’est installé, alors que Marseille n’est pas une exception, il y a des règlements de comptes en Corse, en Seine SaintDenis.» Le chercheur est néanmoins «certains» que l’on parlerait «davantage de ces crimes s’ils se produisaie­nt dans le centre-ville : « Si les règlements de comptes survenaien­t parmi les classes moyennes supérieure­s, il y aurait plus d’émoi.»

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Les morts lors d’un règlement de comptes « tombent dans la banalité ».

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