Deliveroo s’expose à d’autres poursuites de ses livreurs
Une cinquantaine de recours doit être lancée par des livreurs contre la plateforme de livraison afin d’être reconnus comme salariés
Après Deliveroo, l’appel d’air ? Vendredi, les cuisines de la plateforme de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) ont été bloquées par une vingtaine de livreurs. Une initiative du Collectif des livreurs autonomes de Paris qui clamait, aussi, sa victoire après la condamnation pour «travail dissimulé» de Deliveroo par le Conseil de prud’hommes de Paris, le 6 février. Une première en France, qui pourrait se répéter.
Pour cela, le nombre de plaintes doit s’accroître. « Ce qui est novateur, c’est que Deliveroo est condamnée pour “travail dissimulé”, ce qui constitue une violation intentionnelle de la loi, assure Emmanuel Dockès, spécialiste du droit du travail. D’un point de vue pécunier, cela représente une indemnité de six mois de salaire. » « Ça peut devenir attrayant » et conduire « à une multiplication des contentieux». « Les procédures sont très longues en France », tempère Kevin Mention, dont le cabinet s’est fait la spécialité d’accompagner les travailleurs des plateformes de livraison. L’avocat doit lancer une cinquantaine de procédures contre Deliveroo dans un même objectif : démontrer que les conditions dans lesquelles travaillent les livreurs relèvent du salariat et qu’ils bénéficient, à ce titre, de toutes les garanties prévues dans le Code du travail.
Cependant, les délais d’attente en justice et les frais de défense peuvent décourager. Ainsi, la condamnation de Deliveroo a mis quatre ans à aboutir. De nombreux livreurs s’appuient sur l’aide juridictionnelle ou les garanties de protection juridique pour s’offrir les services d’un avocat. Au-delà de ces obstacles pratiques, la motivation à agir en justice n’est pas toujours là. « Il y a de la part d’un certain nombre de livreurs une forme d’intériorisation de la précarité du travail, estime Christophe Degryse, chercheur à l’Institut syndical européen. De plus, c’est un métier plutôt pratiqué par des jeunes qui y voient une activité intermittente.»
De son côté, Deliveroo affirme avoir «confiance» en son modèle. «Les livreurs nous disent qu’ils veulent choisir quand, où et s’ils veulent travailler », précise Deliveroo. L’enseigne relativise la condamnation prononcée début février, déclarant que le cas jugé remonte à 2015 et s’appuie donc sur son «ancien modèle» de gestion. «Le lien de subordination qui existe entre Deliveroo et les livreurs s’est renforcé, conteste Me Mention. Aujourd’hui, si vous êtes coursier et que vous ne vous connectez pas le vendredi, le samedi ou le dimanche, vous êtes impacté dans l’accès au calendrier.»
« Chez un certain nombre de livreurs, il y a une forme d’intériorisation de la précarité. » Christophe Degryse, Institut syndical européen