20 Minutes (Marseille)

Deliveroo s’expose à d’autres poursuites de ses livreurs

Une cinquantai­ne de recours doit être lancée par des livreurs contre la plateforme de livraison afin d’être reconnus comme salariés

- Catherine Abou el Khair

Après Deliveroo, l’appel d’air ? Vendredi, les cuisines de la plateforme de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) ont été bloquées par une vingtaine de livreurs. Une initiative du Collectif des livreurs autonomes de Paris qui clamait, aussi, sa victoire après la condamnati­on pour «travail dissimulé» de Deliveroo par le Conseil de prud’hommes de Paris, le 6 février. Une première en France, qui pourrait se répéter.

Pour cela, le nombre de plaintes doit s’accroître. « Ce qui est novateur, c’est que Deliveroo est condamnée pour “travail dissimulé”, ce qui constitue une violation intentionn­elle de la loi, assure Emmanuel Dockès, spécialist­e du droit du travail. D’un point de vue pécunier, cela représente une indemnité de six mois de salaire. » « Ça peut devenir attrayant » et conduire « à une multiplica­tion des contentieu­x». « Les procédures sont très longues en France », tempère Kevin Mention, dont le cabinet s’est fait la spécialité d’accompagne­r les travailleu­rs des plateforme­s de livraison. L’avocat doit lancer une cinquantai­ne de procédures contre Deliveroo dans un même objectif : démontrer que les conditions dans lesquelles travaillen­t les livreurs relèvent du salariat et qu’ils bénéficien­t, à ce titre, de toutes les garanties prévues dans le Code du travail.

Cependant, les délais d’attente en justice et les frais de défense peuvent décourager. Ainsi, la condamnati­on de Deliveroo a mis quatre ans à aboutir. De nombreux livreurs s’appuient sur l’aide juridictio­nnelle ou les garanties de protection juridique pour s’offrir les services d’un avocat. Au-delà de ces obstacles pratiques, la motivation à agir en justice n’est pas toujours là. « Il y a de la part d’un certain nombre de livreurs une forme d’intérioris­ation de la précarité du travail, estime Christophe Degryse, chercheur à l’Institut syndical européen. De plus, c’est un métier plutôt pratiqué par des jeunes qui y voient une activité intermitte­nte.»

De son côté, Deliveroo affirme avoir «confiance» en son modèle. «Les livreurs nous disent qu’ils veulent choisir quand, où et s’ils veulent travailler », précise Deliveroo. L’enseigne relativise la condamnati­on prononcée début février, déclarant que le cas jugé remonte à 2015 et s’appuie donc sur son «ancien modèle» de gestion. «Le lien de subordinat­ion qui existe entre Deliveroo et les livreurs s’est renforcé, conteste Me Mention. Aujourd’hui, si vous êtes coursier et que vous ne vous connectez pas le vendredi, le samedi ou le dimanche, vous êtes impacté dans l’accès au calendrier.»

« Chez un certain nombre de livreurs, il y a une forme d’intérioris­ation de la précarité. » Christophe Degryse, Institut syndical européen

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La plateforme de livraison de repas a été condamnée pour «travail dissimulé».

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