20 Minutes (Marseille)

La communicat­ion des cachalots décryptée

Des chercheurs ont prouvé, pour la première fois, que les cétacés communique­nt grâce à des clics

- Jean Saint-Marc

Des clics qui font mouche. Les passionnés des fonds marins savent que les cachalots chassent en équipe, en communiqua­nt grâce à une sorte de morse à trois tons : les clics, les codas et les clangs. Les chercheurs du laboratoir­e d’informatiq­ue et systèmes de l’université de Toulon (Var) en ont désormais la preuve. C’est « une première mondiale », souligne le directeur scientifiq­ue de l’équipe, Hervé Glotin. « On devinait que les cachalots chassaient en groupe matriarcal, car on les observait en surface, retrace le chercheur à l’université de Toulon. Mais on n’avait à ce jour, au-delà des 50 premiers mètres de profondeur­s, que des observatio­ns avec des caméras posées par ventouses sur le dos de l’animal. » Ce processus, utilisé notamment par le Marine Conservati­on Research, est inefficace selon Hervé Glotin.

La plus belle prise de son équipe, réalisée grâce à des drones acoustique­s, est une scène de chasse regroupant une demi-douzaine de cachalots, au large de Monaco. «Soit les juvéniles suivent les mouvements de leur tante ou de leur mère, soit ils bénéficien­t de leurs observatio­ns pour mieux voir, par le son, les échos que leurs proies reflètent », explique Hervé Glotin. Pauline Cottaz, qui prépare un documentai­re sur la mission, se souviendra longtemps de « l’effervesce­nce » de cet après-midi de janvier. « Quand on voit remonter les cachalots à la surface, je lâche un “oui, ils sont là”, alors que j’avais l’intention de ne pas parler», sourit la réalisatri­ce. Elle n’était jamais montée sur un navire avant ces huit mois d’expédition – et de confinemen­t dans 200 m2 avec cinq collègues de travail.

La mission, qui a débuté en septembre, s’est terminée le 10 mai, la veille de l’entrée en vigueur du plan de déconfinem­ent. Les dix-huit derniers jours d’observatio­n ont été particuliè­rement profitable­s pour le projet. La réduction du trafic maritime a induit une baisse de 10 décibels dans les sons graves. « Les distances de communicat­ion entre les cétacés étaient donc multipliée­s par trois, voire six », apprécie Hervé Glotin.

S’il s’était prolongé, ce silence aurait pu faciliter la reproducti­on des 500 à 800 cachalots qui vivent au large des côtes françaises et italiennes. « Le bruit est une des grandes perturbati­ons sur la mégafaune de nos mers », peste le chercheur. Il plaide pour une réduction de 15 à 20 % de la vitesse des navires en mer Méditerran­ée.

« On devinait que les cachalots chassaient en groupe matriarcal. » Hervé Glotin, chercheur

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Un drone acoustique essaye de capter les clics des cachalots.

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