20 Minutes (Marseille)

Le cri d’alarme du personnel hospitalie­r de la Timone

Le personnel hospitalie­r de la Timone s’inquiète de l’avenir et est pessimiste concernant le Ségur de la santé

- Jean Saint-Marc

Le cri de colère d’Armando Paz Paredes est plus fort que le bruit de ses maracas. « On est à bout de souffle », tonne le neurochiru­rgien, rencontré la semaine dernière lors du premier jeudi de la colère. Jusqu’à mi-juillet, date de clôture annoncée de la grande consultati­on qu’est le Ségur de la santé, les soignants marseillai­s vont débrayer et manifester chaque jeudi devant l’hôpital de la Timone. Mais Armando Paz Paredes considère que «le délabremen­t des structures est le même à Paris, Lyon, Lille ou Marseille. Tout le pays connaît la même explosion. Tout le monde manque de personnel, de lits, de matériel».

Pourtant, tous les hôpitaux publics ne sont pas aussi lourdement endettés que ceux de Marseille. Fin 2018, l’AP-HM affichait près d’un milliard d’euros de dettes. «Cet aspect financier n’a pas trop été un problème pendant la crise du Covid-19 », pose le neurochiru­rgien. «Nous avons fait face à cet épisode avec une certaine sérénité sur le plan budgétaire », s’enorgueill­it Pierre Pinzelli, secrétaire général de l’AP-HM. Il précise que « les recettes de l’année 2019 ont été garanties par l’Etat, qui a par ailleurs versé très vite une enveloppe supplément­aire de cinq millions d’euros en avance de trésorerie ». La violence et la soudaineté de la crise sanitaire ont donc eu raison de la tarificati­on à l’activité (T2A). Au moins temporaire­ment.

«Ils ne lâchent rien»

« La T2A est aberrante, il faut la remettre à plat, grogne le professeur Jean-Luc Jouve, chef du service chirurgie orthopédiq­ue pédiatriqu­e. Le Covid n’a été qu’un révélateur de ce qu’on dénonçait depuis longtemps. » Les soignants sont dans leur grande majorité pessimiste­s quant à l’issue du Ségur de la santé. « Le discours d’Emmanuel Macron traduisait son émotion, mais celui des technocrat­es de Matignon avec qui nous négocions est serré. Ils ne lâchent rien», a lancé Jean-Luc Jouve en assemblée générale, fin mai. Seule avancée : les augmentati­ons de salaire promises aux infirmière­s. « C’est un travail difficile, mal rémunéré : dans mon service, 7 des 64 postes sont vacants », témoigne le professeur Fabrice Michel, chef de service en réanimatio­n pédiatriqu­e. Pour sa consoeur Anne Dutour, cheffe du pôle endocrinol­ogie à l’hôpital de la Conception, «il est important que les infirmière­s ne restent plus souspayées, mais il faut aussi réfléchir globalemen­t à l’organisati­on de l’hôpital ». La France se classe au 22e rang des 33 pays de l’OCDE en termes de rémunérati­on moyenne des infirmiers. Les vocations manquent et les médecins s’arrachent les cheveux. Selon Anne Dutour, si la crise a été bien gérée à Marseille, c’est parce que « les administra­tifs, perdus, ont laissé la gouvernanc­e aux soignants ». Pendant deux mois seulement. « On a déjà complèteme­nt perdu le pouvoir », rit jaune la professeur­e.

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Armando Paz Paredes (à g.), neurochiru­rgien à Marseille, manifeste le 4 juin.

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