20 Minutes (Marseille)

La situation est «désespéran­te» pour SOS Méditerran­ée

Cofondatri­ce de SOS Méditerran­ée, Sophie Beau s’agace de voir les associatio­ns être bloquées dans leurs actions

- Propos recueillis par Mathilde Ceilles

Il y a cinq ans, Sophie Beau et Klaus Vogel fondaient l’associatio­n européenne SOS Méditerran­ée afin de venir en aide aux migrants qui mourraient en mer. Cinq ans plus tard, l’associatio­n, dont le siège se situe à Marseille, organise une soirée de soutien samedi, afin de pouvoir continuer à mener leurs missions à bien. Sophie Beau se désespère de voir la situation s’aggraver et les cadavres des migrants morts en mer toujours aussi nombreux.

Quand vous avez créé l’associatio­n il y a cinq ans, pensiez-vous toujours être là, cinq ans après ?

Non. Quand on a créé SOS Méditerran­ée en 2015, c’était une mobilisati­on citoyenne pour faire face à la défaillanc­e des Etats. On s’est dit qu’il fallait faire quelque chose, il y avait une urgence à agir, à partir d’une indignatio­n citoyenne partagée de se dire qu’aux portes de notre mer à tous, des gens se noient. On n’avait pas du tout d’échéance en tête, et c’est dur de se dire qu’après cinq ans et 31799 personnes sauvées, la défaillanc­e des Etats n’a pas cessé et le contexte s’est même détérioré. On savait que ce serait difficile, mais la situation est encore plus critique aujourd’hui. Cinq ans après, en Méditerran­ée, c’est encore plus le vide et le chaos. C’est désespéran­t.

Pourquoi ?

Depuis avril, cinq navires humanitair­es ont été bloqués par les autorités italiennes, dont le nôtre, l’Ocean Viking, bloqué depuis deux mois. Aujourd’hui, ce qui est terrible, c’est qu’on nous empêche de faire notre travail de sauveteur. On nous reproche de ne pas remplir des normes de sécurité qu’on passait sans problème il y a quelques mois. On prend des prétextes administra­tifs pour nous empêcher de sauver des vies.

C’est une spirale sans fin et la crise humanitair­e en Méditerran­ée ne finit pas. Des gens continuent de traverser, malgré ce contexte, et on ne sait pas exactement combien meurent en mer. Selon l’organisati­on internatio­nale des migrations, on compte au total 604 morts depuis le début de l’année 2020, mais ça peut être beaucoup plus. Aussi, on a toujours autant besoin des dons pour affréter nos navires. On a besoin du soutien des citoyens. Comprenez-vous qu’il y ait un débat politique autour de vos sauvetages ? Ce n’est pas un débat politique ! C’est l’applicatio­n du devoir d’assistance en mer. Il n’y a rien de politique. C’est une question politisée par les Etats, mais il n’y a aucun débat dans le cadre du droit. Quand une personne est danger de mort en mer, on a obligation de lui porter assistance. Ne pas le faire serait criminel en revanche. Ça relève du droit pénal. Ce qui est vraiment honteux, c’est de voir cette obligation être dévoyée par les Etats européens sur fond de distension au sujet de la politique migratoire européenne. Et qu’à cause de cela, on sacrifie des vies.

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Selon elle, la situation des migrants en Méditerran­ée s’est dégradée.

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