20 Minutes (Marseille)

Ishaq raconte les violences policières dont il a été victime

Ce jeune raconte son agression « au nom de toutes les victimes »

- Clara Martot

Il aura fallu deux ans et demi et une condamnati­on définitive pour qu’Ishaq parvienne à mettre les mots sur l’agression traumatisa­nte dont il a été victime. Le 20 février 2018, l’adolescent n’a que 16 ans et passe les vacances chez son frère dans les quartiers nord de Marseille. Dans la soirée, il est tabassé par deux policiers dans une impasse du 14e arrondisse­ment. Mardi, ils ont été condamnés par la

«A force de garder les choses, j’avais l’impression de devenir fou.»

Ishaq

cour d’appel d’Aix-en-Provence à deux ans de prison ferme, un an de sursis et l’interdicti­on d’exercer dans la police. « C’est un poids immense qui s’est envolé, lâche Ishaq. Mais je ne dirais pas non plus que j’ai totalement repris le dessus sur ce qui s’est passé. Encore aujourd’hui, j’ai des flash-back. » Il explique avoir reçu des coups de pied au visage assortis d’insultes racistes et de menaces de mort. Par la suite, il se retrouve vite confronté aux doutes de ses proches : « Au début, personne ne me croyait. Pareil, en arrivant à l’hôpital. » Encore sonné, Ishaq va alors mettre la main dans sa poche et tombe par hasard sur la pièce maîtresse du dossier : un stylo siglé du syndicat Alliance, qui porte l’ADN d’un des coupables. « Quand ils sont partis, j’ai ramassé mes affaires au sol. Je ne savais même pas que j’avais récupéré leur stylo à eux ! Sans lui, personne ne m’aurait jamais cru. » Il explique sa douloureus­e reconstruc­tion : « J’ai arrêté les cours et, aujourd’hui, je travaille de nuit comme préparateu­r de commande alors que j’aurais pu être un électricie­n diplômé. Heureuseme­nt que je suis allé voir une psychologu­e. Même si mes parents ont fini par me croire grâce au stylo, je n’osais pas me confier à eux, car ils sont âgés, fatigués. Du coup, à force de garder les choses, j’avais l’impression de devenir fou. »

Le jeune homme originaire de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne) explique n’avoir jamais eu de problèmes avec la police. Il souhaite s’exprimer aujourd’hui pour « dénoncer les policiers qui se font justice eux-mêmes. Moi, je n’avais rien fait de mal. Mais, même si tu viens de braquer, de voler ou si tu vends de la drogue, le policier devrait simplement te passer les menottes. C’est pas à lui de décider de ton sort. Mais si moi je parle, peut-être que ça peut servir à d’autres qui ne parlent pas et sur qui on n’écrit pas d’articles », conclut-il sagement de sa voix juvénile. Contacté, l’avocat des deux policiers explique se réserver encore le droit de formuler un pourvoi en cassation. Mais pour le moment, Ishaq est réconforté par les nombreux appels de soutien qu’il reçoit : « Face aux bavures policières dans lesquelles la police gagne à chaque fois, les gens me disent que moi, je suis le jeune qui a réussi à obtenir justice. »

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En 2018, Ishaq, 16 ans à l’époque, est passé à tabac par deux policers.

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