20 Minutes (Marseille)

Deux ans après le drame, les riverains réclament justice

Marseille Habitat a été mis en examen, mardi, mais les riverains réclament toujours justice, deux ans après le drame

- Mathilde Ceilles

Soudain, devant le trou béant qui s’offre à elle, une femme brise le silence pesant qui s’est emparé de la rue d’Aubagne, et pousse un cri de désespoir. «Chérif! Il est où?» Saida éclate en sanglots dans les bras de ses proches. Son neveu, 36 ans à peine, fait partie des huit Marseillai­s qui ont trouvé la mort dans l’effondreme­nt de deux immeubles de la rue, le 5 novembre 2018. Autour d’elle, les visages masqués de centaines de Marseillai­s venus rendre hommage aux victimes demeurent interdits devant cette dent creuse. Une dizaine d’entre eux brandit des torches, «pour mettre de la lumière dans ces vies qui ne sont plus».

«Je suis ici, et je revis tout, confie Saida. Les six jours assis, à attendre qu’ils retrouvent le corps. J’ai l’impression que c’était hier. A chaque fois que je reviens ici, c’est un traumatism­e. » Deux ans après, la colère est intacte. « Tout ça, c’est à cause de Marseille Habitat, de l’Etat, des élus de l’ancienne majorité, s’emporte sa fille Linda. Alors moi, je n’attends qu’une chose : c’est que les responsabl­es soient condamnés. Je n’en ai rien à faire des dommages et intérêts. Il y a eu hier une mise en examen, et il y en aura d’autres!»

« Mais où est donc l’état? Il ne nous répond pas. »

Naida, une riveraine

Mardi, le tribunal correction­nel de Marseille a en effet procédé à la première mise en examen dans l’enquête sur ce drame, celle du bailleur Marseille Habitat, propriétai­re d’un des deux immeubles effondrés.

« Je suis une voisine qui vient simplement en hommage à mes voisins qui sont morts», murmure Nadia. La foule entonne avec elle Mon amie la rose, avant qu’elle s’écrie : « Mais où est donc l’Etat ? Il ne nous répond pas. Il attend qu’on s’épuise, alors qu’on est venu pour réclamer justice au nom des disparus. »

Pour la première fois depuis le drame, des élus de la majorité se sont mêlés, discrèteme­nt, à cet hommage organisé par les riverains et les collectifs citoyens, dont Benoît Payan, premier adjoint, et Sophie Camard, maire de secteur, qui représenta­ient Michèle Rubirola, confinée car cas contact.

« C’est important que les élus soient là, mais au-delà de leur présence, nous leur demandons des actes politiques pour les délogés, face à la lenteur administra­tive », tempère Zohra, membre du collectif du 5 novembre. Sur sa bouche, un masque où est inscrit : «Ni oubli, ni pardon».

«Je comprends l’impatience, je suis la première à trouver que ça ne va pas assez vite, lance Sophie Camard. Mais on travaille avec l’Etat et la métropole.» Selon elle, la place qui jouxte la dent creuse devrait être rebaptisée « place du 5-Novembre » lors du prochain conseil municipal.

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Une place proche du drame devrait être rebaptisée place du 5-Novembre.

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