20 Minutes (Marseille)

Une rue rebaptisée Ibrahim-Ali, tué par un militant FN en 1995

Hommage L’avenue des Aygalades va être rebaptisée pour réhabilite­r la mémoire de cet adolescent tué par un militant FN en 1995

- Mathilde Ceilles

« Il y en a qui n’y croient toujours pas. » Soly attend ce moment depuis vingtsix ans. A l’issue du conseil municipal, l’avenue des Aygalades va être rebaptisée avenue Ibrahim-Ali, du nom de cet adolescent d’origine comorienne tué dans cette artère des quartiers Nord par un colleur d’affiches du Front national, le 21 février 1995. Quand on lui demande d’évoquer ce jour, Soly détache le regard, le fixe sur la barre d’immeuble d’en face, au loin. C’était une soirée d’abord semblable à une autre pour celui qui est président de l’associatio­n du groupe de rap B-Vice, dont Ibrahim Ali était membre. Puis, ces gens qui tambourine­nt à sa porte. La sidération des minots qui entrent. Les mots tranchants de l’un d’eux : « Ibrahim est mort. » L’incrédulit­é. Les minutes interminab­les entre son bâtiment A et le bâtiment K d’Ibrahim Ali, avec, sur le chemin, l’envie de « brûler Marseille ». Les larmes qui coulent sans cesse face à la mère d’Ibrahim Ali. Et, enfin, la promesse qu’il lui fait de ne pas céder à la colère, pour honorer la mémoire de son unique fils, fauché par une balle dans le dos à l’âge de 17 ans.

Une idée refusée par Gaudin

Il y a ensuite eu les nombreux courriers à la mairie pour rebaptiser l’avenue. L’ancien maire LR, Jean-Claude Gaudin, s’y est toujours refusé. Un rond-point a toutefois été rebaptisé du nom du jeune adolescent, dans le 15e arrondisse­ment, comme le rappelle Catherine Pila, chef de file LR au conseil municipal. « On est en train de se caler avec les membres de notre groupe pour voir ce qu’on va voter sur ce sujet lundi », confie-t-elle. « Un rond-point minable, peste Soly. Personne n’habite à un rond-point. Si on veut perpétuer la mémoire d’Ibrahim-Ali, il faut un lieu approprié. » « Jean-Claude Gaudin ne l’avait pas fait jusqu’ici, car il ne voulait pas heurter le Front national, accuse Samia Ghali, dont le groupe portera ce rapport devant le conseil municipal ce lundi. Moi, je dis qu’il faut heurter le Front national car ses colleurs d’affiches ont heurté la vie de ce jeune, et beaucoup à travers lui. »

« Nous ne voterons pas ce rapport profanateu­r de la mort d’Ibrahim Ali, s’agace Stéphane Ravier, chef de file RN au conseil municipal. Certains se servent de ce drame vieux de vingtcinq ans pour alimenter un combat politicien qui ne les honore pas. » « Cette rue, c’est le début du deuil, souffle Soly. J’ai fait ma thérapie, c’était l’écriture. Mais le deuil, non. Il y avait trop de mépris. Certains membres du groupe n’arrivent pas à en parler. Ibrahim est mort. Mais combien ont vécu totalement éclopés derrière ? »

 ??  ??
 ??  ?? Soly se bat depuis vingt-six ans pour que cet hommage ait lieu.
Soly se bat depuis vingt-six ans pour que cet hommage ait lieu.

Newspapers in French

Newspapers from France