«‘‘Populiste’’ est utilisé pour disqualifier un adversaire»
La chercheuse Chloé Morin publie un ouvrage sur la crise de notre système politique
«La crise a amplifié le constat que je faisais sur les fractures de notre démocratie», estime la chercheuse Chloé Morin (photo), experte associée à la Fondation Jean-Jaurès, proche du PS. L’ancienne conseillère de Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls à Matignon l’explique dans un livre, qu’elle vient de publier : Le Populisme au secours de la démocratie ? (éd. Gallimard).
Le populisme est perçu par bien des responsables politiques comme une menace. Pour vous, il pourrait venir au secours de la démocratie ?
Il faut rappeler que le populisme correspond à une notion de science politique qui a une histoire et une définition concrète [la défense du « peuple » contre « les élites »]. Mais, aujourd’hui, ce terme est utilisé pour disqualifier l’adversaire, et pour exclure des questions et des acteurs du débat public. La question que je pose dans le titre est une manière de souligner que les gens qui votent populistes sont des gens qui votent encore, qui essaient de jouer le jeu de la démocratie. Si l’on veut que les gens continuent à adhérer à la démocratie, il ne faut pas aller vers la censure des offres populistes.
Quelles sont les causes de cette crise démocratique que vous décrivez ?
Parmi les nombreuses causes que j’évoque, il y a la question du partage du pouvoir. Nos systèmes de décision collective sont en partie obsolètes et ont été détournés par ceux qui détiennent le pouvoir aujourd’hui. On l’a bien vu pendant la crise sanitaire, la décision publique a été extrêmement centralisée, le confinement n’a pas été voté par le Parlement, un conseil de défense sanitaire a été mis en place sans contrôle. Ce n’est pas sain d’un point de vue démocratique. Depuis l’automne seulement, l’exécutif semble plus soucieux de cette question de l’acceptabilité de ses mesures. Or c’est en partageant le pouvoir que l’on crée le consentement, il n’y a pas d’autres façons de le faire.
Des réformes sur le scrutin à la proportionnelle, sur le vote par anticipation ou par correspondance sont discutées…
Je suis sceptique sur le vote par anticipation, car, si l’on ne peut pas voter le dimanche, il y a peu de chances pour qu’on aille voter le jeudi. Quant à la proportionnelle, elle pose à mon avis de sérieux problèmes de stabilité et de capacité à gouverner. Néanmoins, je fais le constat, dans ce livre, que le Parlement ne sert aujourd’hui plus à rien, car la majorité présidentielle y est écrasante. Il n’y a pas vraiment de dialogue.
Quels seraient les bons remèdes, alors, pour notre démocratie ?
Il y a la responsabilité individuelle. Chacun d’entre nous doit faire l’effort de se confronter à des opinions qui ne sont pas les siennes. L’éducation aux médias, au sens large, pour les enfants et ados, peut participer à forger cela.