Dix-huit policiers de la Bac nord devant les juges
Dix-huit policiers accusés d’avoir extorqué des délinquants en marge d’interventions dans les quartiers Nord comparaissent ce lundi
Les mots de Jacques Dallest, alors procureur de la République de Marseille, claquent dans la petite salle du tribunal correctionnel de la cité phocéenne : « Une gangrène a frappé la BAC Nord ». En ce jour de novembre 2012, le parterre de journalistes conviés à cette conférence de presse est fourni, à la hauteur du retentissement provoqué par cette affaire rocambolesque. Il bruisse alors à Marseille une rumeur : celle que des policiers de la BAC Nord seraient en réalité de véritables ripoux, accusés d’extorquer des dealeurs de leurs marchandises ou de leur argent. « Ces fonctionnaires de police sont nombreux à être dans ce que je considère comme un système organisé de vols, de racket, de trafic de drogue », lance le procureur. L’enquête se mue rapidement en scandale national, au point que le ministre de l’Intérieur de l’époque, Manuel Valls, ordonne la dissolution de la BAC Nord de Marseille. Près de dix ans après, ce même scandale va être examiné à partir de ce lundi devant le tribunal correctionnel de Marseille. Pas moins de dixhuit anciens « baceux » des quartiers Nord comparaissent, accusés notamment de vols aggravés.
« Le parquet a fait des raccourcis faciles, parce qu’à Marseille, on aime bien les histoires. »
Me Virgile Reynaud, avocat des prévenus
« Chaque opération » des trois groupes de la BAC Nord mis en cause était devenue « prétexte, soit à l’attribution de produits en vue d’une éventuelle rémunération d’informateurs officieux, soit à un enrichissement personnel », selon l’instruction. A l’appui de ces accusations, des heures de conversations interceptées au téléphone, ou dans les bureaux et les six voitures de la BAC qui avaient été sonorisées en 2012. Les enquêteurs ont également retrouvé de l’argent liquide, des bijoux et des produits stupéfiants dans les vestiaires, ainsi que dans les faux plafonds du commissariat.
Une partie seulement des prévenus a reconnu, partiellement, les faits. « Si des erreurs, des négligences ont été commises, elles l’ont été avec une hiérarchie qui a considérablement fermé les yeux, tacle Me Alain Lhote, avocat d’un des prévenus. Et il ne s’agissait pas là d’une infraction pénale, mais plutôt déontologique. »
« L’affaire s’est complètement dégonflée, affirme, quant à lui, Me Virgile Reynaud, avocat de plusieurs des prévenus. Il n’y a eu aucune preuve d’enrichissement personnel, par exemple. Sur les écoutes, pour certains prévenus, le contenu a été modifié à près de 75 %. Le parquet a fait des raccourcis faciles, parce qu’à Marseille, on aime bien les histoires. » Le magistrat instructeur n’a en effet finalement pas retenu la circonstance aggravante de « bande organisée », et a abandonné les poursuites pour « violences volontaires ». Le procès est prévu pour durer dix jours.