La science drague les grands fonds
Un poisson armé de 1800 dents, une crevette capable de neutraliser ses ennemis grâce une onde sonore… Deux créatures non pas issues du cerveau d’un auteur de science-fiction, mais bien de nos océans. « Aujourd’hui, toute exploration aboutit à la découverte de nouvelles espèces », explique Nadine Le Bris, membre de l’Observatoire océanologique de Banyuls-sur-Mer rattaché au CNRS. Selon l’Unesco, « 2000 découvertes [seraient faites] chaque année ». Mais quels mystères habitent encore les fonds marins ? En ce qui concerne « les formes de vie de grande taille, nous en connaissons beaucoup, détaille l’océanographe Patrick Geistdoerfer. Même s’il n’est pas exclu que nous en trouvions une de temps à autre ». En réalité, une très large frange de nos énigmatiques voisins ne dépasse pas le millimètre. Il s’agit de la « meiofaune ». « Dans ce domaine, on ne peut que spéculer sur leur nombre, selon Nadine Le Bris. Nous n’en n’avons sûrement décrit qu’1%. » D’après l’Unesco, « les groupes macroinvertébrés », comme les crustacés et les mollusques, sont, eux aussi, assez peu connus. « Dans cette catégorie, le nombre d’espèces à découvrir est estimé à plusieurs dizaines de milliers. »
Nous ne savons pas tout
Car l’océan est immensément grand. Si 75 % de la surface du globe est recouverte de ces étendues salées, 95 % de cette gigantesque masse se situe en dessous des 200 m de profondeur, là où il est le plus difficile d’aller. « Nous étudions les fonds marins depuis 1870 et l’expédition britannique Challenger, relate Patrick Geistdoerfer. Grâce à la multiplication des mesures, nous avons une bonne connaissance de la topographie des océans mais il y reste beaucoup à faire. » A cette échelle, localiser un squelette de baleine semble « pire que de trouver une aiguille dans une botte de foin », illustre Nadine Le Bris.
Un monde en danger
Aujourd’hui, l’objectif des océanographes est de comprendre comment fonctionne l’écosystème profond. Sauf que le temps presse : moins visibles que les gobelets et les sacs à la surface de l’eau, les micro-plastiques sont aujourd’hui partout, « jusque dans la fosse des Mariannes (10 994 m de profondeur), avertit Nadine Le Bris. C’est un problème pour les espèces qui filtrent l’eau, d’autant plus que nous ne pouvons pas nettoyer les abysses. C’est donc une pollution à très long terme ». Sale histoire.