Gros revers et petites médailles
L’agression d’une journaliste illustre les difficultés rencontrées par les femmes au travail
La scène est plus que gênante. Lundi, après son élimination dès le 1er tour de Roland-Garros, le tennisman français Maxime Hamou agrippe la journaliste Maly Thomas et lui fait des baisers forcés pendant près d’une minute. Une agression en direct qui ne provoque aucune réprobation de la part des trois hommes présents sur le plateau d’Eurosport. C’est le reflet « des rapports entre les hommes et les femmes qui peuvent exister dans la vie courante, des situations que l’on banalise et qui ne devraient pas l’être », a par la suite dénoncé la journaliste.
Pour Fatima Benomar, cofondatrice de l’association Les Effronté-e-s, cet épisode illustre parfaitement la façon dont les victimes se retrouvent « piégées », au moment des faits, mais aussi après. La difficulté dans les cas de harcèlement sexuel ou d’agression sexuelle (une atteinte commise avec violence, contrainte, menace ou surprise), c’est « la peur qu’on vous colle une image de pisse-froid, de la fille qui en fait trop, qui monte au créneau pour rien », analyse Fatima Benomar. Et la pression de ne pas vouloir créer de vagues peut aller loin. « La journaliste ne veut pas porter plainte. Afin de ne pas créer la polémique et d’y associer son nom », avance la cofondatrice des Effronté-e-s. « C’est ça qui est terrible, alors que l’agression sexuelle se caractérise facilement. On en voit tous les éléments sur les images. D’ailleurs, le parquet pourrait engager des poursuites », poursuit-elle.
Banaliser ou être « fichée »
Plus généralement, les femmes, confrontées au harcèlement ou à une agression dans leur milieu professionnel, marchent sur des oeufs. « Car, soit on dit “C’est OK” et on banalise. Soit on fait un scandale et on est fichée », constate Fatima Benomar. Qui se réjouit cependant de la célérité de la sanction de Roland-Garros, en l’occurrence la suppression de l’accréditation du joueur de 21 ans pour assister aux matchs. Car, même si cette sanction reste « symbolique », il y a quelques années, « il ne se serait rien passé ». De même, la réactivité de la chaîne, qui a présenté ses excuses par l’intermédiaire du présentateur Henri Leconte, ancien tennisman, montre une évolution dans le traitement des agressions envers les femmes. « C’est la peur du “bad buzz” qui fait réagir, remarque Fatima Benomar. Et, sur ce créneau, on peut se féliciter que les associations féministes aient toujours été en première ligne pour relayer l’info. »