L’amour entre humains et robots ou la difficile question de la fidélité
Les robots sexuels intelligents seront bientôt commercialisés
«Chéri(e), il faut que je te parle… Je t’ai trompé(e) avec un robot. » Cette scène, qui rappelle la relation intime entre Joaquin Phoenix et une intelligence artificielle dans Her de Spike Jonze, pourrait bientôt devenir réalité. Des robots sexuels intelligents arrivent sur le marché, à l’instar de la poupée Harmony de l’américain RealDoll, dont la commercialisation est prévue en 2018. Si l’on a des rapports sexuels avec des robots et s’ils peuvent discuter comme dans « Westworld », les verra-t-on toujours comme de simples objets? Accusera-t-on d’adultère un homme marié pris en pleins ébats avec une poupée sexuelle intelligente ?
« Un sex-toy amélioré »
Pour Véronique Margron, théologienne et spécialiste d’éthique, « l’infidélité met d’abord en jeu la trahison d’une parole donnée ». Les fantasmes masturbatoires, et donc le robot sexuel, n’ont pas grand-chose à voir avec cela. « Un fantasme est souvent de l’ordre de l’involontaire, il échappe à la personne », souligne l’auteure de Fidélité infidélité (éditions du Cerf). La poupée gonflable, intelligente ou non, a tout d’un sex-toy amélioré sur lequel on projette de l’affect. Une bonne branlette, rien de plus. Laurence Devillers, enseignantechercheuse au Laboratoire d’informatique pour la mécanique et les sciences de l’ingénieur du CNRS, semble du même avis : « Tomber amoureux d’un robot revient à tomber amoureux d’un objet. » Le fait que le robot ressemble à un humain, qu’il soit en mouvement, génère de l’empathie, à la manière du robot humanoïde Atlas, présenté par Boston Dynamics en 2016, capable de se relever après une chute et de s’adapter à des situations nouvelles. Et plus les robots sexuels nous ressembleront, plus ce phénomène devrait s’accentuer. Les humanoïdes n’ont cependant pas d’intériorité. Le robot est « un double qui répond à ce qu’on souhaite. Plus que de l’amour, c’est de la dépendance », pointe Laurence Devillers, spécialiste des interactions homme-machine. Mine de rien, « délaisser la personne aimée avec laquelle vous avez décidé de faire le coeur de votre vie, c’est une forme d’infidélité », confirme Véronique Margron. Pour la théologienne, imaginer tomber amoureux d’un robot est « d’une infinie pauvreté ». Aujourd’hui, la technologie n’est pas assez avancée pour reproduire la complexité d’une discussion humaine. D’ici à 2050, les intelligences artificielles seront toutefois capables de faire illusion, prédit David Levy, auteur de Sex and Love with Robots. On ne fera alors plus la différence entre un robot intelligent et un humain, même physiquement. Coucher avec une machine qui nous ressemble, qui interagit comme nous, et développer des sentiments amoureux pour elle, ça commence à sentir mauvais l’adultère, non? « C’est une infidélité à votre propre humanité », observe Véronique Margron. Pour l’heure, cela reste de la science-fiction.