« Les chiffres sous-estiment le phénomène »
La chercheuse analyse l’évolution des violences à caractère antisémite
D es actes antisémites moins nombreux mais plus violents. Selon le dernier bilan publié mercredi soir par le ministère de l’Intérieur, les menaces à caractère antisémite ont baissé de 7,2 % en 2017 par rapport à 2016. En revanche, les actions violentes ciblant des juifs ont augmenté de 26 %. Pour comprendre cette situation, 20 Minutes a interviewé Nonna Mayer, directrice de recherche au CNRS et à Sciences Po.
Comment analysez-vous les chiffres publiés mercredi soir par le ministère de l’Intérieur ?
Globalement, le nombre d’actes à caractère antisémite est en baisse par rapport à l’an dernier, et plus encore par rapport à 2015. Mais ces « actes » comprennent des « actions » (agressions contre les personnes et les biens) et des « menaces » (propos, gestes injurieux, inscriptions). Et, si les menaces baissent, les actions, elles, augmentent (+ 26 % pour les actes antisémites cette année, contre + 7,5 % pour les actes islamophobes), ainsi que leur degré de violence. C’est inquiétant. Ces chiffres sous-estiment largement le phénomène et notamment l’antisémitisme ordinaire (crachats, insultes, regards) au quotidien. Beaucoup de victimes ne vont pas déposer plainte.
De manière générale, comment évoluent les faits antisémites en France ?
Le nombre total d’actes antisémites signalés cette année (311) est faible comparé aux records de 2000 ou 2002 (743 et 936). Mais, sur le long terme, il est préoccupant. Il a connu un accroissement spectaculaire après le début de la seconde intifada en 2000 et, depuis, il n’est jamais retombé au niveau d’avant (69 en 1999). Les pics de violence coïncident généralement avec les épisodes très médiatisés des affrontements israélo-palestiniens. Des Français juifs sont rendus responsables de ce qui se passe en Israël, tout comme symétriquement des Français musulmans sont amalgamés aux terroristes djihadistes. La scène internationale sert souvent de déclencheur.
Quelle est la perception de l’antisémitisme au sein de la population française ?
Il est massivement condamné. Les opinions ont évolué en sens contraire des passages à l’acte après la seconde intifada. Depuis 2002, les juifs en France sont la minorité la mieux acceptée.