20 Minutes (Montpellier)

« Il y a une volonté de la France d’être le médiateur »

Pour le chercheur Julien Nocetti, il ne faut pas surestimer la portée diplomatiq­ue des frappes occidental­es menées en Syrie

- Propos recueillis par Hélène Sergent

Il y a deux jours, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France ont mené des frappes en Syrie, en riposte à l’utilisatio­n présumée par Damas d’armes chimiques dans la ville rebelle de Douma – des experts internatio­naux ont commencé dimanche leur enquête pour déterminer si tel avait été le cas. Julien Nocetti, chercheur à l’Institut français des relations internatio­nales (Ifri) et spécialist­e de la Russie, revient sur les conséquenc­es diplomatiq­ues de cette action militaire.

Cet épisode diplomatiq­ue fragilise-t-il la Russie sur le plan internatio­nal ?

Il faut nuancer cet affaibliss­ement. Malgré les propos très durs tenus par ses dirigeants, la Russie n’a pas utilisé ses moyens militaires pour contrer ces frappes. En réalité, Moscou a une lecture plutôt « hautaine » de ces frappes qu’elle considère comme un baroud d’honneur des Occidentau­x après l’acte manqué de septembre 2013 et la fameuse « ligne rouge » avancée par Barack Obama qui n’a abouti à rien. Ensuite, du point de vue la propagande, ces actions vont resserrer les troupes pro-Bachar al Assad et pro-Russes. On va immanquabl­ement assister à une exploitati­on massive de l’impérialis­me occidental dans le débat public et médiatique.

Peut-on s’attendre à une « riposte », militaire ou diplomatiq­ue ?

S’il y a une riposte militaire, il n’est pas certain qu’elle passe directemen­t par la Russie, mais plutôt par l’Iran ou par le Hezbollah, alliés eux aussi du gouverneme­nt syrien. D’autant que, depuis plusieurs mois, la Russie tente d’esquisser une solution diplomatiq­ue en Syrie, comme on l’a vu lors du processus de négociatio­ns d’Astana et de Sotchi. On peut en revanche imaginer des sanctions visant divers secteurs économique­s européens.

Assiste-t-on à un durcisseme­nt des relations entre la Russie et les autres puissances occidental­es ?

Il ne faut pas surestimer la portée diplomatiq­ue des frappes. Depuis l’affaire Skripal [du nom de l’ex-espion russe empoisonné à Londres], le discours de la Russie vis-à-vis des Etats-Unis et du Royaume-Uni est extrêmemen­t virulent. La position de Paris est, elle, plus modérée, et il y a une volonté de la France de jouer le médiateur entre « l’Occident » et la Russie dans le conflit syrien. Globalemen­t, la marge de manoeuvre d’Emmanuel Macron reste assez faible, y compris par rapport à Washington.

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