20 Minutes (Montpellier)

La médecine atteinte du «syndrome méditerran­néen » ?

L’affaire Naomi Musenga libère la parole sur le « syndrome méditerran­éen », selon lequel les soins varieraien­t en fonction de l’origine

- Oihana Gabriel

Ce n’est pas une maladie rare liée au soleil ou à l’eau turquoise. Le « syndrome méditerran­éen » est un préjugé partagé par certains soignants et selon lequel les patients originaire­s des pays méditerran­éens exprimerai­ent plus bruyamment, plus expressive­ment leur douleur. Le sujet a émergé après l’affaire Naomi Musenga, du nom de cette jeune femme dont l’appel au Samu de Strasbourg n’a pas été pris en compte. Le drame a fait se délier certaines langues sur cette représenta­tion biaisée de la douleur.

Tabou ou simple rumeur ?

Un externe, qui a souhaité garder l’anonymat, se souvient en avoir entendu parler en amphithéât­re de médecine : « Le message derrière tout ça, même si ce n’est pas dit aussi clairement, c’est qu’il faut moins vite s’inquiéter. On m’a déjà répondu, au sujet d’une patiente maghrébine qui souffrait réellement, “non, elle a un beau syndrome méditerran­éen”. » Une rumeur, aux yeux de Patrick Chamboredo­n, président de l’Ordre des infirmiers : « La question posée par la mort de Naomi Musenga, ce n’est pas le biais raciste, mais comment améliorer l’évaluation de la douleur au téléphone. Une meilleure formation des opérateurs du Samu serait une piste intéressan­te.» « Certains soignants reçoivent une courte formation à l’anthropolo­gie. On leur présente des études des années 1950 qui expliquent que les Américains originaire­s du sud de l’Italie se plaignent davantage et ont du mal à expliquer où ils ont mal, souligne Marc Loriol, sociologue et coauteur de Discrimina­tion ethnique et rapport au public : une comparaiso­n interprofe­ssionnelle – ce rapport, publié en 2010, évoque ce « syndrome méditerran­éen. Ces informatio­ns, datées et mal digérées, peuvent entraîner un message simpliste.» Et de souligner que, «dans tous les métiers, plus on demande aux gens d’être productifs, moins ils ont le temps de décortique­r chaque cas individuel». Depuis plusieurs mois, les dénonciati­ons de maltraitan­ces et de sexisme entre soignants et envers les patientes ont crispé certains, fait réfléchir d’autres. Le drame du décès de Naomi Musenga permettrat-il une prise de conscience sur ces stéréotype­s ethniques ? Pour Baptiste Beaulieu, médecin et romancier, il est « l’occasion de démonter les arguments de ceux qui y croient et de mettre en avant la pluralité de l’expression de la douleur. Les combats pour les minorités, femmes, LGBT, etc., avancent beaucoup dans la société, comme dans les facs de médecine. Et la nouvelle génération de médecins semble sensible à ces discrimina­tions. »

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Il faut « améliorer l’évaluation de la douleur », insiste l’Ordre des infirmiers.

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