20 Minutes (Montpellier)

Ça chauffe pour la faune du Sud-Est

Climat L’été caniculair­e et, au-delà, la hausse des températur­es, font redouter aux scientifiq­ues des bouleverse­ments dans la mer et sur les terres

- A Nice, Fabien Binacchi

Jusqu’à 38,5°C à Perpignan, 37,9°C à Marignane et 33,4°C à Nice. Cet été, le deuxième le plus chaud dans le Sud-Est depuis 1900, les températur­es n’ont pas atteint des niveaux records seulement dans l’air. Dans l’eau aussi, le mercure a crevé le plafond. Avec 28°C et même 30°C par endroits. La Méditerran­ée en surchauffe... Avec quelles conséquenc­es sur la faune ? Les moules et les huîtres de l’étang de Thau ont presque toutes été décimées. L’arrivée au plus près des côtes de raies venimeuses était-elle liée ? « Les températur­es ont certaineme­nt joué un rôle et stimulé ce comporteme­nt, relève Nicolas Ziani, scientifiq­ue référent au sein du Groupe phocéen d’étude des requins. Mais il faut pousser les recherches, car les autres espèces ne semblent pas avoir été touchées. » En tout cas, audelà de cet épisode estival, la Méditerran­ée subirait un profond bouleverse­ment. Elle serait en train de se « tropicalis­er », affirment des experts. « On a désormais la certitude qu’elle se réchauffe [+ 0,7°C en 30 ans]. Et que ça va continuer, note Paolo Guidetti, le directeur du laboratoir­e Ecomers, rattaché à l’Université de la Côte d’Azur et au CNRS. Certaines espèces thermophil­es et invasives profitent de cette situation. »

De la « déforestat­ion »

C’est notamment le cas du poissonlap­in, un herbivore de la Méditerran­ée orientale qui commence à coloniser la partie occidental­e de la mer, via le canal de Suez. « Le problème, c’est qu’il se nourrit de tous les végétaux, qui sont des nurseries à poissons. En plus de faire de la “déforestat­ion” en ravageant nos fonds marins, il pourrait même, à terme, remplacer la saupe [très commune sur les rivages du Sud-Est] », redoute Paolo Guidetti. Son collègue Patrice Francour, professeur à l’université de Nice, planche sur une carte des préférence­s thermiques de ces espèces invasives. Il y en aurait plus de 700. « Ça permettra, en prévoyant l’évolution des températur­es, de savoir où elles seront susceptibl­es de s’installer, dit-il. Et ainsi tenter de limiter les population­s. » La hausse des températur­es, cet été, et à plus long terme le réchauffem­ent climatique, fait craindre de nombreux changement­s en mer, mais aussi sur terre. Dans les Alpes-Maritimes, un escargot endémique de la Roya, une vallée montagneus­e, est menacé. « L’Hélicon du Marguareis pourrait disparaîtr­e. Il n’a que quelques kilomètres carrés et il est obligé de remonter dans les étages alpins, explique Olivier Gerriet, chargé de conservati­on au musée d’histoire naturelle de Nice. L’augmentati­on des températur­es pourrait perturber des migrations et faire prospérer, là aussi, des espèces invasives, note le spécialist­e. Sans parler des moustiques, qui seraient plus nombreux et actifs plus longtemps. »

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Le poisson-lapin (ici à queue tronquée) profite de la hausse des températur­es.

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