Ça chauffe pour la faune du Sud-Est
Climat L’été caniculaire et, au-delà, la hausse des températures, font redouter aux scientifiques des bouleversements dans la mer et sur les terres
Jusqu’à 38,5°C à Perpignan, 37,9°C à Marignane et 33,4°C à Nice. Cet été, le deuxième le plus chaud dans le Sud-Est depuis 1900, les températures n’ont pas atteint des niveaux records seulement dans l’air. Dans l’eau aussi, le mercure a crevé le plafond. Avec 28°C et même 30°C par endroits. La Méditerranée en surchauffe... Avec quelles conséquences sur la faune ? Les moules et les huîtres de l’étang de Thau ont presque toutes été décimées. L’arrivée au plus près des côtes de raies venimeuses était-elle liée ? « Les températures ont certainement joué un rôle et stimulé ce comportement, relève Nicolas Ziani, scientifique référent au sein du Groupe phocéen d’étude des requins. Mais il faut pousser les recherches, car les autres espèces ne semblent pas avoir été touchées. » En tout cas, audelà de cet épisode estival, la Méditerranée subirait un profond bouleversement. Elle serait en train de se « tropicaliser », affirment des experts. « On a désormais la certitude qu’elle se réchauffe [+ 0,7°C en 30 ans]. Et que ça va continuer, note Paolo Guidetti, le directeur du laboratoire Ecomers, rattaché à l’Université de la Côte d’Azur et au CNRS. Certaines espèces thermophiles et invasives profitent de cette situation. »
De la « déforestation »
C’est notamment le cas du poissonlapin, un herbivore de la Méditerranée orientale qui commence à coloniser la partie occidentale de la mer, via le canal de Suez. « Le problème, c’est qu’il se nourrit de tous les végétaux, qui sont des nurseries à poissons. En plus de faire de la “déforestation” en ravageant nos fonds marins, il pourrait même, à terme, remplacer la saupe [très commune sur les rivages du Sud-Est] », redoute Paolo Guidetti. Son collègue Patrice Francour, professeur à l’université de Nice, planche sur une carte des préférences thermiques de ces espèces invasives. Il y en aurait plus de 700. « Ça permettra, en prévoyant l’évolution des températures, de savoir où elles seront susceptibles de s’installer, dit-il. Et ainsi tenter de limiter les populations. » La hausse des températures, cet été, et à plus long terme le réchauffement climatique, fait craindre de nombreux changements en mer, mais aussi sur terre. Dans les Alpes-Maritimes, un escargot endémique de la Roya, une vallée montagneuse, est menacé. « L’Hélicon du Marguareis pourrait disparaître. Il n’a que quelques kilomètres carrés et il est obligé de remonter dans les étages alpins, explique Olivier Gerriet, chargé de conservation au musée d’histoire naturelle de Nice. L’augmentation des températures pourrait perturber des migrations et faire prospérer, là aussi, des espèces invasives, note le spécialiste. Sans parler des moustiques, qui seraient plus nombreux et actifs plus longtemps. »