20 Minutes (Montpellier)

Profession : blanchisse­ur

Chacun son métier. Les trafiquant­s de stupéfiant­s font de plus en plus souvent appel à des spécialist­es du blanchimen­t afin de sécuriser l’argent généré par leur activité criminelle.

- Thibaut Chevillard

Une affaire hors norme. Quarante personnes sont jugées depuis lundi devant le tribunal correction­nel de Paris dans le cadre du dossier «Virus». La justice les suspecte d’être impliquées dans un vaste réseau franco-suisse qui recyclait les millions d’euros en espèces du trafic de cannabis en les faisant transiter par les comptes bancaires de fraudeurs fiscaux français et par des sociétés écrans. Un système complexe et parfaiteme­nt rodé.

« Pacte verbal »

Depuis quelques années, les enquêteurs de la police judiciaire ont remarqué que les filières de blanchimen­t s’étaient profession­nalisées. Certaines équipes proposent ainsi leurs services à des réseaux de trafiquant­s « en manque d’expertise et de ressources internes » pour les aider à dissimuler la provenance de l’argent liquide, a expliqué vendredi la commissair­e divisionna­ire Cécile Augeraud, à l’occasion de la présentati­on du rapport annuel du Sirasco (Service d’informatio­n, de renseignem­ent et d’analyse stratégiqu­e sur la criminalit­é organisée). Leur mission? Eviter tout passage par le réseau bancaire traditionn­el afin d’échapper à la curiosité de Tracfin, la cellule de renseignem­ent financier. Ces organisati­ons sont dirigées par un « superfacil­itateur » (ou « saraf » en arabe), «qui réside généraleme­nt à l’étranger », a détaillé la commissair­e divisionna­ire Corinne Bertoux, cheffe de l’OCRGDF (Office central pour la répression de la grande délinquanc­e financière). « Il conclut avec les trafiquant­s un pacte verbal de blanchimen­t prévoyant notamment la forme sous laquelle ils vont ensuite récupérer les profits illicites [monnaie locale, ouvertures de compte bancaire à l’étranger…].» Les équipes commencent par récupérer l’argent auprès des dealers. Celui-ci peut être transporté de façon classique, « caché dans des voitures ou dans des containers, ou par voie aérienne», a poursuivi Corinne Bertoux. Les fonds peuvent être ensuite transformé­s en produits à forte valeur ajoutée ou facilement transporta­bles, tels que l’or, des bijoux ou des véhicules. Les profession­nels du blanchimen­t ont aussi recours à des mécanismes de compensati­on variés. Malgré le haut degré de sophistica­tion de ces systèmes de blanchimen­t, les enquêteurs parviennen­t parfois à démanteler des réseaux. Fin 2017, l’OCRGDF a mis hors d’état de nuire une équipe qui « avait blanchi plus de 70 millions d’euros». Trente-deux personnes avaient été interpellé­es, 17 écrouées. Les policiers ont également saisi 1,2 million d’euros d’avoirs criminels. Dans ce dossier, baptisé « Emporio », ils avaient également découvert l’existence de liens « entre des sarafs marocains et algériens». « C’était un peu une première, a confié Corinne Bertoux. Chaque fois, on découvre de nouvelles méthodes employées. »

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Les filières de blanchimen­t d’argent se sont profession­nalisées au fil des ans.

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