20 Minutes (Montpellier)

Happés sur toute la ligne

Travail L’appli de messagerie WhatsApp est très utilisée entre collègues, mais l’absence de cadre peut générer des comporteme­nts déviants

- Hélène Sergent

Gratuite et plus « conviviale » que les mails, l’appli WhatsApp est de plus en plus utilisée entre collègues. Mais son usage peut très vite déborder sur la sphère privée.

Dès son arrivée dans son entreprise de marketing digital, basée en Allemagne, Charles a été ajouté à la boucle WhatsApp de son équipe. « A l’intérieur de ce groupe, on trouve tous les niveaux hiérarchiq­ues, du stagiaire au patron », détaille celui qui fait partie du milliard d’utilisateu­rs revendiqué­s par l’applicatio­n gratuite.

Fondée en 2009 et rachetée par Facebook en 2014, elle permet d’échanger des messages, des sons, des images et des documents en temps réel avec plusieurs personnes, à n’importe quel endroit du globe. De plus, «presque tout le monde l’utilise dans un cadre privé, donc ça ne nécessite aucune installati­on supplément­aire», ajoute Charles. Directrice commercial­e, Virginie, elle, a « lancé une conversati­on WhatsApp avec [ses] jeunes commerciau­x pour communique­r de façon directe, informelle et conviviale». L’appli est aussi très utile à Pierre, qui gère une caserne de pompiers : «On a tous un boulot à côté, puisque nous sommes pour la plupart pompiers volontaire­s, ça nous fait gagner du temps quand on a une informatio­n urgente à communique­r au groupe, comme un retard avant le début de notre garde.»

Droit à la déconnexio­n

Si les fonctionna­lités de Whats App font consensus, certains employés pointent des difficulté­s. Ludivine, 27 ans, exemployé à Mc Donald’s, dit s’être sentie «contrainte» d’utiliser l’appli : «On en venait à se faire réprimande­r si on ne répondait pas aux messages, y compris lorsqu’on n’était pas en poste.» Jean Charles avait lui aussi l’appli lorsqu’il était en agence de presse : «On était censé l’utiliser pour les événements graves, comme les attentats. Mais ça a tourné au n’importe quoi. On recevait des notificati­ons sur des sujets qui n’avaient rien à voir.» Charles abonde : «C’est devenu un fil où, chaque matin, un membre de l’équipe annonçait, par exemple, son retard parce qu’il avait trop bu la veille. Ça a normalisé des comporteme­nts qui ne sont pas censés l’être en entreprise.» Au-delà de la question du mélange des genres (privé et profession­nel) et de celle de l’utilisatio­n des données personnell­es, s’ajoute celle du droit à la déconnexio­n. « La charge mentale pour le salarié qui ne répond pas à la boucle ne doit pas être sous-estimée, alerte Christine Balagué, titulaire de la chaire réseaux sociaux à l’Institut Mines-Télécom-TEM. Il faut responsabi­liser les cadres qui développen­t ces conversati­ons parallèles à l’entreprise. »

Virginie a ainsi imposé des règles à son équipe : «On fait attention à ne pas envoyer de message le week-end, le soir, tôt le matin, pendant les vacances. Et je ne fais aucune demande managérial­e.» Charles, lui, continue de recevoir les messages de ses collègues en retard ou malades. Mais son «patron réfléchit à supprimer cette conversati­on. C’est devenu contre-productif.»

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WhatsApp revendique un milliard d’utilisateu­rs dans le monde.

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