20 Minutes (Montpellier)

Jugé car il n’a pas dénoncé les violences sur le petit Tony

Un homme est jugé pour ne pas avoir dénoncé les violences qui ont été fatales à Tony, 3 ans

- Vincent Vantighem Suivez en direct ce procès sur le compte Twitter de notre journalist­e : @vvantighem.

Face aux policiers, Jonathan L. l’a reconnu : «On ne voulait pas d’histoires…» Pourtant, cet homme aujourd’hui âgé de 34 ans «sentait» bien que son petit voisin était «maltraité». Le matin, «très souvent», l’enfant de 3 ans pleurait. Et lorsque Jonathan L. l’entendait dans l’appartemen­t au-dessus du sien, il avait «pitié de lui», a-t-il admis. Quasiment trois ans après la mort atroce de cet enfant, Jonathan L. va comparaîtr­e ce mardi devant le tribunal de Reims (Marne) pour non-dénonciati­on de crime. Une procédure rare pour laquelle il encourt une peine de trois ans de prison ferme tandis que l’auteur des coups et son ex-compagne attendent encore, eux, de connaître la date de leur procès devant une cour d’assises.

Une obligation de signalemen­t

«C’est une affaire avec un fort poids émotionnel », confie aujourd’hui Matthieu Bourrette, le procureur, qui viendra requérir lui-même à l’audience. Fin novembre 2016, il était déjà en poste à Reims quand les enquêteurs ont pénétré dans cet immeuble de la place des Argonautes. Au sixième étage, ils ont découvert le corps inanimé de Tony. Et en passant les lieux au révélateur, ils ont compris que le sang du garçonnet avait coulé quasiment partout au cours des dernières semaines : le long du lit, sur le dossier du canapé, à côté du bureau, dans les toilettes, sur le sol de l’entrée…

Tony décède à son arrivée à l’hôpital de ruptures de la rate et du pancréas consécutiv­es à des coups de poing portés à l’abdomen deux jours plus tôt. Les légistes remarquent aussi de multiples bleus sur les membres inférieurs, des traces ancines de fractures. «Je n’ai jamais vu un rapport d’autopsie aussi dégueulass­e», confie une source proche du dossier. La mort de l’enfant marque aussi Matthieu Bourrette. Deux jours après le décès, le procureur convoque une conférence de presse et assène : «Si les services de police avaient été alertés par le voisinage, cet enfant aurait pu passer la Noël!» C’est ce qui vaut à Jonathan L., dont l’avocate a refusé de répondre aux questions de 20 Minutes, de comparaîtr­e aujourd’hui. Et à la justice de devoir emprunter un chemin étroit : en s’en prenant aux voisins, les magistrats vont peut-être rappeler à tous les Français leurs obligation­s de signaler les maltraitan­ces dont ils sont les témoins. Mais ils risquent aussi de faire peur à tous ceux qui ont tardé à réagir et de les inciter à ne pas témoigner du tout de ce qu’ils ont vu ou entendu. Un risque que Marie Grimaud est prête à prendre.

Avocate de l’associatio­n Innocence en danger, elle plaide depuis le début de cette affaire pour que les voisins du petit Tony soient poursuivis. « Notre objectif est de lancer un signal dans l’opinion pour encourager les citoyens à effectuer des signalemen­ts, résume-t-elle. Mais nous ne sommes pas dans une logique punitive. Je serai la première à demander que [Jonathan L.] soit dispensé de peine.» Ce sera au tribunal correction­nel d’en juger.

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La mort de l’enfant en novembre 2016 à Reims avait fortement marqué les enquêteurs.

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