20 Minutes (Montpellier)

« La souris, c’est l’extension de sa main »

« Counter-Strike » Meilleur joueur du monde à 19 ans, ZywOo incarne une nouvelle génération de gameurs, plongés tôt dans les jeux vidéo

- Bertrand Volpilhac

Il y a dans l’histoire de ce gamin quelque chose d’assez fascinant. Pas tellement dans la manière dont ZywOo est devenu, à 19 ans et après sa première saison pro, le meilleur joueur du monde de « CS : GO », l’un des jeux les plus populaires de l’e-sport. Non, le plus intéressan­t, c’est ce que cette éclosion raconte de l’évolution du jeu vidéo et de sa place dans notre société.

ZywOo, de son nom complet Mathieu Herbaut, est un enfant du jeu vidéo. De «Counter-Strike», même, qu’il a découvert à 7 ans à Billy-Montigny (Pasde-Calais) en regardant ses frères et cousins jouer. Premiers tournois avant 10 ans, premières équipes sérieuses vers 14, premières offres pour jouer à temps plein vers 16… ZywOo avoue avoir «pensé à arrêter l’école». Nathalie Fontaine, sa maman, refuse tout net. «Elle voulait que je passe mon bac», explique-t-il. Le système éducatif français n’offrant aucun cadre à la pratique de l’e-sport, c’est sa maman qui en aura tracé les contours. Résultat : il obtient son bac au début de l’été 2018, avant de signer son premier contrat pro, dans la foulée, avec Vitality. «Il y a deux typologies dans les familles de très jeunes joueurs, analyse Fabien Devide, cofondateu­r de Vitality. Celle où la famille comprend l’écosystème du jeu vidéo et accompagne l’adolescent. Et celle où il y a un désintérêt total. Dans le cas de ZywOo, c’est l’une des success storys familiales les plus dingues que j’ai entendues. Dans le soutien, dans l’accompagne­ment…» ZywOo avoue n’avoir «jamais réfléchi» à l’impact qu’a eu sa mère sur sa carrière. Il est, quelque part, le premier produit d’une génération de parents qui ont accepté socialemen­t le jeu vidéo. Parce qu’il a fait partie de leur vie, parce qu’il est de moins en moins perçu comme un frein au développem­ent social. Comprendre aussi que ZywOo a commencé à jouer très jeune. «A 19 ans, il a un sens du jeu incroyable, décrit Fabien Devide. Tous les choix qu’il fait sont les bons. C’est inné pour lui.»

S’il n’a commencé à vraiment s’intéresser à la tactique qu’à 14-15 ans, ZywOo parle de son rapport au jeu comme «instinctif». C’est sans doute pour ça qu’il a réussi à dépasser, dès sa première année en pro, des joueurs présents sur la scène depuis plus de dix ans. Né en même temps que le jeu, ou presque, ZywOo a grandi avec lui. «Il y a des jeunes de 15-16 ans qui arrivent et sont compétitif­s sur des jeux qui sont là depuis dix ou vingt ans, enchaîne Fabien Devide. Ils ont commencé à jouer en CM1, quand nous, on commençait à jouer bien plus tard. La souris, c’est l’extension de leur main.» Michael « HaRts » Zanatta, l’un des plus grands joueurs au début des années 2000, poursuit dans la même logique : «Commencer tôt est sans doute l’une des clés si l’on veut avoir quelqu’un de son niveau. C’est pour ça qu’il faut plus de structures. » Comme des centres de formation, pour permettre aux espoirs de se préparer au profession­nalisme, un passage délicat. ZywOo, lui, a cherché la solution la plus simple pour effectuer la transition : une équipe française, ambitieuse, et qui lui permettrai­t de jouer son jeu. En 2018, Vitality a racheté son contrat autour de 100 000 € à son ancienne team. «On a axé le projet autour de lui, conclut Fabien Devide. On s’est rendu compte qu’on avait un diamant brut. Ce mec est juste trop fort. C’est un ovni. »

« C’est l’une des success storys familiales les plus dingues. » Fabien Devide, cofondateu­r de Vitality

« Commencer tôt est l’une des clés si l’on veut avoir quelqu’un de son niveau. » Harts, grand joueur français

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Après avoir eu son bac en 2018, ZywOo a été recruté par l’équipe Vitality.

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