La cérémonie pourrait ne pas être un long fleuve tranquille
La 45e édition de la célèbre remise de prix du cinéma français se déroule ce vendredi soir sur fond de controverses multiples
La grande famille du cinéma français a rendez-vous ce vendredi soir à la Salle Pleyel (Paris 8e) pour la 45e édition des César. Si la cérémonie est davantage réputée pour les sourires crispés de l’assistance que pour sa chaleur, cette année, l’événement s’annonce encore plus tendu. Car les dissensions ont éclaté au grand jour ces dernières semaines. La seule inconnue demeure l’intensité avec laquelle l’implosion annoncée se manifestera. Quelque 400 personnalités d’horizons aussi divers que Bertrand Tavernier, Omar Sy, Céline Sciamma ou Agnès Jaoui ont eu la tête d’Alain Terzian, qui présidait l’académie des César depuis 2003. Dans une tribune publiée dans Le Monde du 10 février, elles exigeaient une «réforme en profondeur» de l’Académie, dont elles dénonçaient des «dysfonctionnements», une «opacité des comptes » et des statuts qui « n’ont pas évolué depuis très longtemps ». Ces problématiques ne seront pas résolues ce vendredi. Aux César, les discours de remerciement seront autant d’occasions d’exprimer d’éventuels voeux. La Salle Pleyel devrait aussi se faire l’écho de la tribune publiée mercredi sur le site du Parisien en faveur d’une meilleure représentation des acteurs issus de l’immigration et de l’outre-mer dans le cinéma français. Les signataires, tels qu’Aïssa Maïga, Firmine Richard, Stomy Bugsy, Mathieu Kassovitz ou Olivier Marchal, estiment que « l’adoption de mesures d’inclusion est urgente si on ne veut pas laisser à ces professionnels du cinéma français qu’une seule option : l’engagement dans la voie du communautarisme à l’américaine ».
Des prises de position
Ces pistes de réflexion – ou points de crispation, selon les points de vue – risquent cependant d’être éclipsées par l’ombre de Roman Polanski (lire ci-dessous). Jeudi, le réalisateur a fini par annoncer son absence aux César, via l’AFP. « Le déroulé de cette soirée, on le connaît à l’avance. Des activistes me menacent déjà d’un lynchage public », a-t-il écrit dans un communiqué. Son film J’accuse est en tête au nombre de citations. « Douze nominations et douze accusations de viol : Polanski est raccord!», avait réagi dans les colonnes du Parisien Andréa Bescond, comédienne et réalisatrice des Chatouilles, césarisée l’an passé. L’absence du réalisateur franco-polonais ne devrait pas empêcher les prises de position. Adèle Haenel, en lice pour le césar de la meilleure actrice pour Portrait de la jeune fille en feu, a donné le ton dans une interview au New York Times mise en ligne lundi. Honorer
Roman Polanski revient à «cracher au visage de toutes les victimes ». Et d’ajouter : « Ça veut dire : “Ce n’est pas si grave de violer des femmes.” » Si elle est primée, on l’imagine difficilement ne pas revenir sur le sujet. L’opposition à Roman Polanski se fera également entendre hors de la salle. Des organisations féministes ont prévu plusieurs rassemblements à proximité. Quoi qu’il en soit, la «grande famille du cinéma français » sera divisée ce vendredi. Mais il faudra attendre l’après-cérémonie pour savoir si un changement peut s’opérer dans le cinéma français.