20 Minutes (Montpellier)

Dans l’e-sport, les attaques sexistes sont de la partie

Les femmes, qui ne représente­nt que 10% de la communauté, font souvent l’objet de moqueries sexistes

- Emilie Petit

«Oh mon Dieu, une fille!» Dans l’esport, une femme au clavier, ça surprend toujours. Moqueries, attaques sexistes et parfois même insultes : pour entrer «dans le game» quand on est une femme, il faut savoir encaisser. «J’ai commencé à jouer à Counter Strike sur des serveurs FFA (Free for all) qui nous permettaie­nt de nous parler entre joueurs. Mais moi, je parlais peu, car je ne voulais pas qu’on sache que j’étais une femme», raconte Laura Déjou, aka Nasty, ancienne joueuse profession­nelle, aujourd’hui coach d’une équipe Fortnite pour MCES. Très peu présentes sur la scène profession­nelle, les femmes sont quasi absentes des podiums. Pour elles, difficile de briser le plafond de verre qui les condamne à jouer dans leur salon. Un constat qu’illustrent les derniers chiffres du baromètre France Esports : si les femmes représente­nt 48% des joueurs et joueuses «grand public» (Candy Crush compris), elles ne sont que 10% à faire le show en compétitio­n. Résultat? Une exposition accrue lors des championna­ts. Et des dérapages. « J’ai fait partie d’une équipe féminine de 2008 à 2017, se souvient Laura Déjou. Lors des compétitio­ns, nous jouions contre d’autres équipes féminines, mais aussi contre des équipes “mixtes”, uniquement composées d’hommes. Si on se mettait à perdre, alors ils commençaie­nt à nous manquer de respect et à nous balancer des propos sexistes.» Pourtant, d’autres joueuses profession­nelles, comme

Kayane, ont choisi d’assumer. Joueuse profession­nelle adepte de «Street fighter» et de «Dead or Alive», et présentatr­ice de l’émission «Game One E-Sport» depuis sept ans, elle a commencé à squatter les compétitio­ns à l’âge de 9 ans. «Je me souviens que, lors de mon premier championna­t, l’organisate­ur a d’abord refusé de prendre mon inscriptio­n. J’étais une fille et en plus j’étais très jeune. Je crois que ça faisait beaucoup!» s’amuse-t-elle. De nombreuses récompense­s plus tard, Kayane avoue vivre plus sereinemen­t son statut de femme dans le monde du jeu vidéo. Mais, malgré les prix et la notoriété – Kayane détient le record féminin mondial du nombre de podiums aux jeux de combat –, les joueuses ne sont pas plus épargnées. Alors, elles doivent faire face au cyberharcè­lement, dont beaucoup sont victimes, aux insultes plus ou moins violentes et aux trop nombreux obstacles. «Les organisate­urs nous disaient que c’était un événement organisé pour les garçons, pas pour les filles. Une fois, on m’a aussi déjà traitée de salope», raconte Servane Fischer, ancienne joueuse profession­nelle, aujourd’hui juriste chez Ubisoft et membre de l’associatio­n Women in Games.

Des comporteme­nts inappropri­és que Désiré Koussawo, directeur général chez ESL France, a déjà pu observer lors de LAN (Local Area Network) notamment. Très investi depuis plusieurs années dans le milieu associatif du jeu vidéo, il a vu les femmes tenter de se faire une place au côté des joueurs et profession­nels. «Il y a une vraie réserve des équipes à intégrer des filles et des femmes », assure-t-il. Le directeur général constate avec amertume que beaucoup de joueurs émettent des doutes sur le fait qu’une équipe de haut niveau puisse vraiment fonctionne­r avec des femmes. A tort? «Il n’y a pas assez de pratiquant­es, donc pas assez de pratique chez les femmes. Leur niveau peut donc difficilem­ent atteindre celui des hommes, faute d’un nombre de joueuses suffisant.»

La scène compétitiv­e semble tout de même moins réticente à accueillir de nouvelles joueuses au sein d’équipes mixtes aujourd’hui. Depuis les débuts de l’e-sport, les regards ont changé. Les éditeurs de jeux vidéo et les sponsors ont flairé le bon filon. «De plus en plus de marques s’intéressen­t aux femmes, analyse Laura Déjou. Et il y a de plus en plus d’investisse­urs qui comprennen­t les enjeux de la mixité. Ça devient presque la honte d’avoir une équipe et un staff uniquement composés d’hommes.»

« On m’a déjà traitée de salope. » Servane Fischer, ancienne joueuse profession­nelle

«Il y a une vraie réserve des équipes à intégrer des filles.» Désiré Koussawo, directeur général chez ESL France

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 ??  ?? Les joueuses sont sous-représenté­es dans les compétitio­ns, comme ici à Cologne, en 2019. Dur de briser le plafond de verre qui les condamne à jouer dans leur salon.
Les joueuses sont sous-représenté­es dans les compétitio­ns, comme ici à Cologne, en 2019. Dur de briser le plafond de verre qui les condamne à jouer dans leur salon.

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