L’UE peut-elle se refaire une santé?
Les réponses nationales à la crise sanitaire ont montré que l’unité de l’Europe en la matière est quasi-inexistante
L’Europe au temps du coronavirus s’est montrée dispersée, peu solidaire, chaque Etat choisissant sa version d’un confinement plus ou moins strict, d’un déconfinement plus ou moins rapide. «La crise a mis l’accent sur des défaillances des systèmes de santé nationaux et sur le manque de compétence de l’UE pour répondre à ces défaillances », résume Claire Dhéret, responsable d’un programme de recherche sur l’Europe sociale et bienêtre au European Policy Center. Pour certains, cette gestion étatique a montré l’inutilité de l’Union européenne. Pour d’autres, au contraire, une véritable Europe de la santé n’a jamais été aussi urgente. «On a pris conscience que l’UE a des compétences en santé fragiles et que, dans ces circonstances, ça ne suffit pas, insiste Véronique Trillet-Lenoir, eurodéputée de Renew Europe et cancérologue. Nous devons apprendre de cette crise, pour mettre en place des mesures rapides et opérationnelles et se préparer aux prochaines. Car il y aura d’autres crises, qu’elles soient infectieuses, environnementales, chimiques, alimentaires. C’est maintenant qu’il faut réfléchir à mettre en place des dispositifs à activer.» Autre prise de conscience : l’urgence de relocaliser en Europe la production de médicaments, alors que nous sommes totalement dépendants de la Chine et que les pénuries se multiplient. «C’est à l’agenda de la Commission et du Parlement, reprend Véronique TrilletLenoir. Il faudra voir comment on évalue les médicaments, comment on fixe le prix, comment on les fabrique. Les citoyens commenceraient à voir l’intérêt de l’Europe s’ils avaient un accès plus sûr à des médicaments moins chers. »
Des moyens très limités
L’Union européenne n’a aujourd’hui qu’une compétence d’appui sur les questions de santé, et ne peut donc rien imposer aux Etats. « L’UE n’a pas vocation à harmoniser les systèmes de santé, résume Gaël Coron, sociologue et enseignant à l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP). C’est une interdiction édictée par les traités qui a été contournée. Certaines politiques de santé sont “européanisées”. Par exemple, l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament se décide au niveau européen, parce que le médicament est une marchandise et qu’il y a un marché européen. » Petit à petit, l’UE s’est certes dotée d’acteurs en santé : une direction générale de la santé de la Commission européenne, équivalent d’un ministère de la Santé, des agences, notamment sur la sécurité et la santé au travail, ou encore sur la sécurité des aliments. Mais tous ces outils sont dotés de moyens humains et financiers très limités. L’Europe de la santé s’est souvent appuyée sur des crises pour se construire. L’ECDC (Centre européen de prévention et de contrôle des maladies) a en effet été une réponse à la crise du Sras, l’Agence pour la sécurité des aliments a été décidée après la crise de la vache folle… « On peut imaginer qu’il y aura de nouvelles agences relatives à la santé qui vont voir le jour, avance Claire Dhéret. Même si ce n’est pas forcément le fait de créer de nouvelles entités qui changera les choses, mais plutôt une volonté d’approprier les bonnes compétences à ces agences.»