Redécollage délicat pour le trafic aérien européen
La reprise du trafic aérien en Europe est prématurée, selon un chercheur
La plupart des pays européens lèvent leurs restrictions aux frontières entre pays membres de l’UE à partir de ce lundi, sur les conseils appuyés de la Commission européenne. Mais est-ce vraiment l’idée du siècle de se pointer à l’aéroport pour un week-end de débauche dans la nuit praguoise ou berlinoise ? « L’espace Schengen est loin d’être complètement sous contrôle, explique Serge Morand, directeur de recherches au CNRS. Certains pays connaissent encore des situations difficiles, sans parler de l’état de l’épidémie en Amérique du Sud ou en Asie du Sud-Est. La reprise du trafic aérien, essentiellement liée à une volonté d’encourager les déplacements touristiques, arrive un peu vite. » Le spécialiste de l’écologie de la santé et de la transmission des pathogènes vient de publier une étude sur le lien entre l’augmentation du trafic aérien et la diffusion des épidémies à partir d’une base de données considérable. « On a observé la répartition des épidémies de 1940 à 2018 et constaté que, depuis les années 1970, le trafic a augmenté de plus de 1 400 % tandis qu’on entrait dans une phase de pandémie répétée du fait de la circulation des gens. Elles sont de plus en plus partagées par un plus grand nombre de pays.»
Au bord de la banqueroute malgré les perfusions étatiques, le secteur aérien sait qu’il est peut-être celui qui joue le plus gros cet été. « Pour retrouver des passagers, il faut rétablir la confiance, reconnaît Nicolas Paulissen, directeur général de l’Union des aéroports français. On doit montrer aux passagers que la protection sanitaire est désormais une priorité pour nous. » Les acteurs jurent donc avoir travaillé en symbiose pour concocter un protocole sanitaire commun à tous les Etats européens, validé par l’Agence européenne de sécurité intérieure (AITA) et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies : port des masques chirurgicaux obligatoire dans les aéroports et dans les avions, désinfection régulière des espaces et des matériels, bornes de gel hydroalcoolique, respect des mesures barrières, service à bord réduit au strict minimum.
Risques de contagion
Reste une question : les cas asymptomatiques peuvent-ils contaminer leurs voisins de siège pendant le vol, même avec un masque changé toutes les quatre heures ? L’AITA prétend que c’est quasiment impossible. Un enthousiasme non partagé par Qingyan Chen, ingénieur à l’université Purdue, aux Etats-Unis. «Les avions n’ont pas été conçus pour empêcher la transmission des virus et des maladies », a expliqué cet ancien employé de la Direction générale de l’aviation civile américaine au Washington Post.
« Les pandémies sont partagées par un plus grand nombre de pays. » Serge Morand, écologue