Les policiers craignent une politique du chiffre
Le spectre de la politique du chiffre inquiète les policiers
Même vocable, même omniprésence. Installé place Beauvau depuis le mois de juillet, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, issu des rangs de la droite, n’a jamais caché sa proximité avec Nicolas Sarkozy. Accusé par l’opposition de gauche d’être dans la « surenchère » sécuritaire alors qu’un séminaire gouvernemental doit aborder cette question ce mercredi, l’ex-député du Nord a annoncé dimanche dans une interview au Parisien vouloir rendre publics chaque mois les chiffres de l’activité des forces de l’ordre. L’annonce a ravivé, au sein de l’institution policière, la crainte d’un retour de la « politique du chiffre », chère à Nicolas Sarkozy lors de ses passages à l’Intérieur de 2002 à 2007. « A l’époque, ça s’était surtout traduit par une très forte pression hiérarchique, à tous les niveaux », se souvient Thierry Clair, secrétaire national à l’Unsa-Police.
« Expérience désastreuse »
Au-delà de cette seule annonce, l’action du ministre ces dernières semaines replonge les policiers plus de dix ans en arrière. Entré dans l’institution en 2002, Vincent, 42 ans, témoigne : « Nicolas Sarkozy jouait le jeu médiatique. A chaque événement, il décidait de créer un nouveau service et de mettre le paquet sur un phénomène en particulier. Gérald Darmanin s’inscrit là-dedans. On l’a vu avec la polémique autour du clip de rap à Grenoble et les annonces relatives aux trafics de stups qui ont suivi. »
«En 2013, l’IGPN avait d’ailleurs dénoncé cette politique du chiffre et avait expliqué qu’elle avait favorisé une gestion à court terme de nombreux phénomènes délictuels », expose le secrétaire national du Syndicat indépendant des commissaires de police, Jean-Paul Mégret. Si la démarche de transparence de l’action policière est « louable », estime Thierry Clair, « l’expérience désastreuse » des années 2000 ne doit pas être reproduite.
Quant à l’efficacité d’un tel mimétisme, certains élus, y compris à droite, la mettent en doute. Constance Le Grip était conseillère technique de Nicolas Sarkozy à l’Intérieur. Devenue députée LR des Hauts-de-Seine, elle tance : «N’est pas Nicolas Sarkozy qui veut. Même si on sent que Gérald Darmanin veut faire le job, il reste en décalage avec la politique globale du gouvernement. On peine à distinguer une ligne politique claire sur la sécurité. C’est la différence majeure entre l’actuel ministre de l’Intérieur et l’ancien chef de l’Etat. »