Vert à moitié plein
Emmanuel Macron souhaite que l’environnement soit mieux pris en compte en l’inscrivant dans la Constitution, par la voie du référendum. Certains approuvent, d’autres craignent un doublon avec d’autres textes.
«La République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique.» Les Français auront à se prononcer sur l’opportunité d’ajouter cette phrase à l’article 1er de la Constitution. Lundi soir, Emmanuel Macron a accepté l’idée d’un référendum (lire ci-dessous) sur cette proposition phare de la Convention citoyenne pour le climat. Si cette réforme est adoptée, la Fondation Nicolas Hulot y verrait un tournant dans la protection de l’environnement en France. Arnaud Gossement, avocat spécialiste de l’environnement, assure au contraire qu’elle n’apporterait rien sur le sujet : « On ne peut pas faire un procès à la République. C’est une valeur morale, pas un sujet de droit.»
Arnaud Gossement y voit un premier recul par rapport à la charte de l’Environnement, adoptée par le Parlement en 2004. « Son article 2 dit que “toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement”, reprend-il. On passe ainsi de “toute personne” à “la République”. » Ce même article 2 lie aussi préservation et amélioration de l’environnement, « quand la phrase proposée par la Convention citoyenne ne parle plus que de préservation, reprend l’avocat. C’est, là encore, un recul, puisqu’il n’est pas seulement nécessaire de réparer les dégâts du passé, mais aussi d’améliorer le niveau actuel de protection de l’environnement. »
La distinction entre biodiversité, environnement et lutte contre le dérèglement climatique que fait la phrase proposée par la Convention citoyenne ne plaît guère plus à Arnaud Gossement : «La charte de l’Environnement avait ce souci de ne pas saucissonner l’environnement, mais de le voir comme un tout. A juste titre, ces thématiques étant étroitement liées. Les impacts sur la biodiversité auront des incidences sur le changement climatique, et inversement.» On pourrait se dire que ce paragraphe ajouté à la Constitution viendrait en complément de la charte de l’Environnement et serait ainsi l’occasion de faire figurer, un peu plus encore, la défense de l’environnement dans les textes fondamentaux de la République. C’est la position que défendait WWF France en 2018. « Toute la limite de la charte de l’Environnement est d’énoncer des grands principes qui ne peuvent être utilisés par les juges constitutionnels », justifiait Pascal Canfin, alors directeur général de l’ONG, dans une interview à 20 Minutes.
Arnaud Gossement balaie ces arguments : « La charte de l’Environnement n’a pas moins de valeur que la Constitution dans le bloc de constitutionnalité. » Il craint aussi, dans ces propositions de troisième alinéa, « un doublon préjudiciable avec la charte de l’Environnement ». Selon l’avocat, il n’est nul besoin de toucher au bloc de constitutionnalité. Du moins sur le volet environnemental. «La priorité est d’appliquer les textes actuels et de donner les moyens à la justice de le faire, dit-il. En clair, des juges, des fonctionnaires et des policiers supplémentaires pour poursuivre les infractions environnementales. »
« La priorité est d’appliquer les textes actuels.»
Arnaud Gossement, avocat