« La pollution sonore est un fléau pour nos mers et océans »
Bioacousticien, Michel André explique le problème causé par les nuisances sonores
Depuis trente ans, Michel André, directeur du Laboratoire de bioacoustique appliquée de l’université polytechnique de Catalogne, écoute les mers et océans. Le programme Lido (Listen to the Deep Ocean), qu’il coordonne, a permis d’installer 150 capteurs acoustiques sous-marins. A partir de celui-ci, le bioacousticien se penche en particulier sur la façon dont la pollution sonore des activités humaines affecte la biodiversité marine. A commencer par les baleines, dont la journée internationale est célébrée ce vendredi.
Les mers et océans ne sont pas aussi silencieux qu’on ne le croit…
Le milieu marin n’a jamais été un monde du silence. Depuis que la Terre existe, il est traversé de sons et de bruits. Ils proviennent déjà des processus physiques naturels. Les tremblements de terre, les vagues, la pluie… Puis sont arrivés les organismes marins. Dans les mers et les océans, il n’y a pas de lumière, sauf très près de la surface. Dès lors, le seul moyen pour ces organismes de communiquer passe par les sons et les bruits… Ces codes acoustiques, d’une diversité incroyable, régissent toute la vie des océans. Mais notre oreille n’est pas faite pour entendre sous l’eau, si bien qu’ils nous échappent.
Les bruits que génèrent les activités humaines tendent-ils de plus en plus à couvrir ces sons naturels ?
Cette pollution sonore est aussi ancienne que la pollution plastique ou les marées noires. Toutes sont apparues il y a un peu plus d’un siècle, lorsque nous avons commencé à exploiter la mer de façon industrielle. Mais parce qu’invisible et pratiquement inaudible, la pollution sonore est restée longtemps ignorée alors que c’est autant un fléau pour les mers et océans. Ce n’est que depuis une vingtaine d’années que nous sommes capables de la mesurer. Ces bruits sont déjà ceux des moteurs des bateaux. Mais ce sont aussi les charges acoustiques qu’utilise la prospection gazière et pétrolière, les manoeuvres militaires ou encore la construction de parcs éoliens en mer.
Cette pollution sonore impactet-elle surtout les baleines ?
Nous le pensions au regard de l’importance des signaux acoustiques que les cétacés s’échangent pour communiquer, s’orienter, se reproduire, chercher leurs proies… L’idée était même d’étudier la sensibilité de toutes les espèces de cétacés à cette pollution, pour définir des seuils de tolérance. Mais, plus nous avançons dans nos recherches, plus nous nous rendons compte que d’autres animaux souffrent, sans doute plus encore, de ces nuisances. C’est le cas des invertébrés marins, qui regroupent des milliers d’espèces comme les crustacés, céphalopodes, méduses, coraux.