En pleine conquête, la question de l’argent public refait surface
Le débat sur l’utilisation de l’argent public pour l’exploration spatiale refait surface
Perseverance est bien arrivé. Sept mois après avoir quitté la Terre, le véhicule de la Nasa s’est posé jeudi sur la planète Mars. Il aura notamment pour mission de rechercher d’éventuelles traces de vie et de déterminer si une exploration humaine de la planète rouge est possible. Évidemment, un programme aussi sophistiqué coûte cher : 2,2 milliards d’euros, incluant le développement, la construction, le lancement, et la mission sur Mars.
Mais, si l’on compare aux missions incluant l’envoi d’équipages dans l’espace, Perseverance apparaît comme un projet «low-cost». Ainsi, le programme «Space Transportation System» (STS), qui conduira au développement de la navette spatiale, a nécessité 41 milliards d’euros. Quant au programme Apollo, qui a permis à plusieurs hommes de marcher sur la Lune, il a coûté 170 milliards d’euros, quasiment 70 fois le prix de Perseverance. Ces chiffres rappellent une réalité : aller dans l’espace coûte cher, car cela nécessite énormément de compétences humaines et technologiques. Or, dans une période où la dette se creuse et avec un président de la République qui affirme qu’il n’y a pas «d’argent magique», ces dépenses peuvent poser question. L’espace doit-il, et peut-il, être rentable, comme s’il était une activité économique classique ? «Quand on parle d’espace, on parle surtout d’argent public, précise Pierre Lionnet, économiste et directeur de recherche à Eurospace, une association qui défend les intérêts des industriels du secteur spatial. Par exemple, 80% des satellites et des lancements correspondants sont achetés par des gouvernements pour des programmes d’Etat. Il s’agit d’un marché public, donc la notion de rentabilité ne va pas être la même que celle d’une entreprise privée.» L’économiste illustre son propos par une métaphore : « Quand la Mairie de Paris change l’ampoule d’un réverbère, on ne demande pas au réverbère d’être rentable, mais de bien éclairer. Le service spatial, c’est pareil. Quand vous utilisez Galileo (l’équivalent européen du GPS), c’est gratuit, alors qu’il a fallu dépenser énormément d’argent pour déployer les satellites. »
Une forme de service public de l’espace, donc. Ce qui ne veut pas dire pour autant que l’argent utilisé est dépensé sans aucun contrôle. « Même si nous n’avons pas d’objectif de rentabilité comme pourrait l’avoir une entreprise privée, il nous est demandé, pour chaque mission, d’avoir le meilleur rapport qualité-prix en termes de propositions commerciales, explique Murielle Lafaye, responsable du pôle ‘‘Intelligence économique’’ au Centre national d’études spatiales. D’autre part, les missions doivent maximiser les retombées socioéconomiques et les réponses à des enjeux sociétaux.»
Dans une période où la dette se creuse et alors qu’il n’y a pas « d’argent magique », ces dépenses interrogent.