La médecine ne joue pas petit bras
Opérée à Nantes, Priscille Deborah vit depuis deux ans avec une prothèse bionique au bras droit, qui est contrôlée par la pensée
Elle était considérée comme une « prouesse médicale », un « pari » même, puisqu’elle n’avait jamais été pratiquée en France. Un peu plus de deux ans après la première pose d’un bras bionique, une seconde opération de même nature sera réalisée le 19 mars à la clinique Jules-Verne à Nantes, annonce l’établissement de santé. Objectif : permettre à un patient amputé de bénéficier d’une prothèse qu’il pourra contrôler par la pensée. Les nerfs sectionnés de son moignon seront réactivés pour transmettre au bras robotisé les mouvements commandés par le cerveau. Priscille Deborah, 46 ans, a été la première à faire l’objet de cette procédure chirurgicale innovante dite TMR (Targeted muscle reinnervation). Cette mère de famille, installée dans le Tarn, s’en souvient avec émotion. «J’avais hâte mais, en même temps, je savais qu’il y avait le risque que ça ne fonctionne pas.» Le porteur du projet, Edward de Keating-hart, chirurgien de la main et des nerfs périphériques, ne nie pas «l’énorme pression» : «C’est une chirurgie complexe, très spécifique. On l’avait annoncé dans toute la France. Il ne fallait pas se rater.»
«Il fallait une pionnière»
Aujourd’hui, au terme de deux années de rééducation «hyper exigeante», l’expérience est considérée comme «une réussite». Priscille porte quotidiennement sa nouvelle prothèse et a recouvré des gestes qu’elle n’effectuait plus. «Je peux faire la cuisine, couper de la viande, ranger la vaisselle, tenir un cintre… Je peux refaire du sport, du badminton, de l’équitation. C’est énorme», confie celle qui a perdu deux jambes et son bras droit lors d’un «accident de la vie» en 2006. L’artiste peintre, qui vit de sa passion, sollicite aussi son bras bourré d’électronique pour tenir des pots ou manier des tubes, avant, espère-t-elle, de «peindre à nouveau du bras droit». «Ses progrès sont spectaculaires. Elle a des mouvements naturels, fluides, presque comme si elle avait retrouvé un membre. Cela récompense une personnalité déterminée», se félicite Edward de Keating-hart.
Les bénéfices n’ont pas été immédiats. Ils ont nécessité des séances quotidiennes de rééducation fine, de kinésithérapie, de renforcement musculaire, d’exercices adaptés, de réglages de prothèse. Souvent avec des progrès, parfois avec des échecs. «J’étais portée par une équipe médicale extrêmement positive, raconte la quadragénaire. Je n’avais pas le droit de flancher. Chaque étape franchie était une victoire.» Se considérant « chanceuse », Priscille Deborah, qui apprécie « l’image positive» renvoyée par le mot «bionique», consacre désormais une partie de son temps à partager son histoire, à renseigner les porteurs de handicap. Son récit fera même l’objet d’un livre à paraître début avril. «Il fallait une pionnière, justifie l’Albigeoise. J’espère maintenant qu’il y aura plein d’autres bénéficiaires.»