20 Minutes (Nantes)

Séropositi­fs, vieux et pauvres

Une associatio­n dévoile la détresse des seniors LGBT, notamment ceux contaminés par le VIH

- Oihana Gabriel

Francis Carrier défilera à la Gay Pride, samedi, à Paris. Mais, ce qu’il aimerait, c’est que l’on s’intéresse plutôt à Grey Pride, l’associatio­n qu’il a fondée en novembre pour aider les seniors LGBT. Si la solitude fait souffrir bien des personnes âgées, l’homosexual­ité accentue l’isolement. « Dans une associatio­n, la première question que l’on vous pose, souvent, c’est : “Vous avez des enfants ?” Plutôt que de s’inventer une vie hétéro ou de subir la discrimina­tion, certains s’enterrent », assure le bénévole des Petits Frères des pauvres. « Et le sida ajoute une couche de discrimina­tion », assure celui qui est séropositi­f depuis 1984. « Etre vieux et séropositi­f est devenu synonyme d’isolement et de honte, regrette à son tour Didier Lestrade, cofondateu­r d’Act up-Paris et de Têtu. Alors qu’on devrait être fier d’avoir survécu, de s’être battu pour les autres. » Cette figure de proue de la lutte contre le sida, séropositi­f depuis 1986, dénonce le manque de reconnaiss­ance. « Dans les années 1990, on s’est battu pour avoir accès à des traitement­s mais, aujourd’hui, l’urgence est tout aussi importante pour des seniors séropositi­fs qui n’arrivent pas à boucler leur fin de mois », tempête le bénéficiai­re du RSA qui, il y a deux ans encore, mangeait grâce aux Restos du Coeur.

Peu de solidarité

Le parcours profession­nel des séropositi­fs a souvent été bouleversé par la maladie. Soit parce qu’ils ont milité pendant des années bénévoleme­nt, soit parce que leurs problèmes de santé leur ont imposé des parenthèse­s dans leur carrière. « Bien sûr, l’espérance de vie des séropositi­fs a augmenté, reprend Francis Carrier. Environ 50 000 d’entre eux ont plus de 50 ans et, dans quelques années, deux tiers entreront dans le grand âge. Mais, quand on vit avec 800 €, sans ami et au cinquième étage sans ascenseur, l’espérance de vie risque de chuter vite ! » Et la solidarité ne va pas forcément de soi. « Le regard de la communauté LGBT sur ses vieux n’est pas tendre, reconnaît-il. Le modèle dominant reste le jeune de 25 ans musclé avec un petit cul. » Avec Grey Pride, Francis Carrier espère constituer un groupe de pression pour que l’Etat se penche sur la situation des seniors séropositi­fs et LGBT. Pour qu’ils ne soient pas oubliés dans les messages de prévention. Pour que des Ehpad qui leur soient dédiés voient le jour… D’ici là, il entend reconstrui­re du lien social, grâce à une ligne d’écoute deux fois par semaine et à un salon ouvert une fois par mois. « Parce que la première étape, c’est de les rendre visibles, de leur rendre leur fierté, leur droit d’exister. »

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Grey Pride souhaite, par exemple, la création d’Ehpad dédiés aux LGBT.

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